En route vers Mardin

L’eau courante sur les ombres d’été
refuge des arbres dans la ville ensommeillée
Le cahier du voyage se gonfle de mots et de rêves
mes ombres mes lumières mes encres
le souci et la tendresse de toi comme anges gardiens
L’oubli de toi ? Non la feinte comme saveur
Les nomades d’amours perdus conquis a revenir
ont les poches bien remplies
et si d’aventure nous revenons
Les yeux grands ouverts sur le destin
il faut savoir que l’âme et le corps n’ont qu’un temps.
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Mardin. Derniere étape avant de crapahuter. L’hôtel Bilen est une bonne surprise, il va permettre de nous refaire un peu, lessive, bar, restau. avant la plongée dans l’aléatoire du confort. Et vu ses trois étoiles, on l’imaginait plus cher que ça. Il y a même un sauna ! Délicieux à envisager par cette chaleur, comme si on ne suait pas assez dans les dolmush. Aujourd’hui question transports on a été servies : 3 dolmush et un ferry (feribot). Et rien dans l’estomac. Si, un sachet de noisette qu’on s’est partagé a trois heures, entre Diyarbakir et Mardin.

 

Mais la première partie du voyage fut drôle : de dolmush en dolmush et même jusque dans le ferry les conducteurs se passaient le mot que je parlais kurde. Le capitaine du ferry, tres content, nous a fait entrer à côté de lui et j’ai pu assister à la manoeuvre. Sur un lac, ce n’est pas bien difficile de conduire ces grandes boites.

 

C’est que ce matin je n’ai pas pu me retenir en écoutant les propos hautement philosophiques de nos compagnons de voyage. Il faut dire que dans la région de Kâhta toute la vie paysanne a été préservée. Ce sont de purs Kurdes, des gundî pur jus, s’appelant entre eux « bavê me » « Shêxê me », etc . Bref dans le premier dolmush l’un d’eux souffle, s’évente et lâche :

– Welah… Îro germ e.
Silence. Le temps de digérer la nouvelle sans doute. Puis le chauffeur met son grain de sel :
– Bi rastî, germ e.
-…..
Puis :
– Lê çima germ e ?
– Çima, çima ? Nezanim !
Là je n’ai pas pu m’empêcher d’éclater de rire. Plutôt interloqué, le chauffeur prend à témoin ses passagers : « Vê yabanci… çima dikene ? » Et là il se tourne vers moi hilare : « Çima tu dikenî ? » Je réponds : « Çima, çima germ e ? »
Là il semble méditer quelques temps tandis que l’équipage retient son souffle. Puis, l’illumination.
– Aaaa… temaaammm… tu me fehm dikî…. Aaaa…
Re-crise de fou-rire. Là tout le monde rit aussi, content d’avoir compris. Puis de nouveau, un éclair :
– Lê… Tu tirkî zani ?
– Nezanim.
– Yaaa….. Il en tape dans ses mains de joie en se tournant vers les autres, ce qui m’inquiete un peu parce que tout de même c’est lui qui conduit. « Ew kurmancî zane lê tirkî nezane. Bash e, bash e !

 

Bref après dans tous les changements de dolmush ils se passaient le mot. Il y avait les initiés, les avertis et les autres, les ploucs qui ne savaient pas encore et qui s’esclaffaient quand on s’adressait à moi en kurde. Apres ça affichait de ces airs superieurs…ainsi les Français se donnent la peine d’apprendre le kurde et pas le turc ! Comme quoi…

 

Mais maintenant que nous sommes à Mardin ça va me manquer tout ça, car il n’est plus question de parler kurde aussi librement: Dommage, qu’est-ce qu’ils nous font rire !
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