Retour a l’öðretmenevi ou nous attend un des reponsables, un prof de chimie, qui appartient aussi a une des plus grandes familles d’aghas par sa mere et est fils de cheikh. Du coup tout le monde l’appelle « Cheikh » bien qu’il n’en soit pas un. Avec lui nous visitons le lendemain une grande demeure kurde, un peu ruinée tout de même, qui appartient a son cousin. Il nous dit que son cousin est facho. Il faut comprendre grand propriétaire en cheville avec l’état et les gardiens de village. Lui est plutôt « patriote », c’est fréquent dans les familles d’avoir plusieurs membres dans des bords tres différents, surtout dans les grandes familles. On ne met pas tous ses oeufs dans le même panier. A l’origine, Silvan et sa région appartenait a trois familles d’aghas. Je ne suis pas sûre que ça ait beaucoup changé. Pres de Malabadi, toute l’étendue des champs de coton appartient a une seule personne. Et s’ils ont brûlé les villagesdes montagnes, ils n’ont pas touché a la plaine.
Quant au pont de Malabadi, désolée Kendal mais j’avais bien raison : il est d’époque artoukide, au moins dans sa derniere reconstruction. Et bien moins beau que celui de Cizre (invisitable hélas puisque sur le check-point Turquie-Syrie-Irak). Pour la citadelle, c’est idem. Les jolies sculptures de lions et de chimeres que nous débusquons avec les gosses dans une partie de jeu de piste sur les toits terrasses de Silvan ressemblent traits pour traits aux sculptures de l’enceinte de Diyarbakir.
Le soir diner a l’extérieur dans un çaybahce (salon de thé) qui fait aussi terrain de football (20 millions de l’heure pour la location du terrain). On bavarde avec un prof d’anglais de Diyarbakir que l’on retrouvera le lendemain a la pastahanesi. Prend mon e-mail – étant donné qu’eux n’en ont pas je me demande pourquoi les adresses e-mail les intéressent – en contrepartie de son numéro de téléphone. Il parle de ses éleves, des gosses pauvres de Diyarbakir. Dit qu’ils n’ont pas beaucoup d’entrain pour apprendre. Et comment pourraient-ils ? Tous travaillent en-dehors de l’école, ils sont cireurs de chaussures, vendeurs de simit… Ils ne mangent pas bien et vont l’hiver avec des vêtements en loques et des chaussures trouées. Quant aux adultes, ils ne sont guere plus motivés par les langues étrangeres, en disant : « je ne parle déja pas bien le turc, alors pourquoi l’anglais ? » Il est vrai que l’assimilation n’est pas toujours une réussite. Deux ou trois fois, j’ai entendu dans les dolmus quelqu’un dire (et un homme, pas une femme) qu’il ne parle pas le turc, seulement le kurde.