Cette fois-ci c’est enfin bon !
Normalement, on devait partir pour Noël, puis en janvier, avant de devoir reporter à février, pour finalement décider que rien ne nous empêcherait de partir dernier délai pour Pâques, en mars. Sauf que je suis tombée sur le seul site qui donnait Pâques 2009 en mars, et que cette année c’est en avril !
Comme ça fait quand même plusieurs mois que je piaffe d’impatience en faisant/défaisant/refaisant mon sac en fonction de la météo prévisible, je décide que quoiqu’il arrive, cette année on fêtera mon anniversaire au Kurdistan.
Air France vient d’ouvrir une ligne Paris/Erbil, mais côté tarifs, c’est carrément le double de ceux d’Austrian. Donc, réservation Internet et même des sièges pour la deuxième partie du parcours (la première étant sur Air France), ce qui est vraiment pratique. Sauf pour Sandrine qui a bien pensé à imprimer sa carte d’embarquement Vienne/Erbil, mais bien évidemment pas à la mettre dans ses bagages.
A CDG, je passe le contrôle sécurité avec tous les appareils et ma bouteille d’eau, sans rien avoir à justifier. Sandrine à qui j’ai confié mon portable est loin derrière. Je ne peux pas faire demi tour pour lui donner un coup de main, mais je m’inquiète pour mon matos quand c’est la tête en l’air qui s’en occupe. Même sans, elle arrive à faire sonner le portillon et doit passer en chaussettes… en ronchonnant qu’en prime, ils lui ont piqué sa bouteille de flotte !
Course à Vienne pour trouver le bon comptoir d’Austrian. Je la laisse faire la queue le temps de fumer une clope dans le bocal réservé aux accros de la nicotine, mais faut vraiment beaucoup de bonne volonté pour s’intoxiquer en transit : le concepteur sadique de la zone fumeurs s’étant visiblement donné pour mission de nous éliminer plus vite que Philip Morris, il n’y a aucune aération, ce qui oblige à fumer en apnée… ce que je fais tout en cherchant des yeux le bureau chargé de remettre une médaille aux héros téméraires qui ayant relevé le défi en sont ressortis vivants !
L’eau qui est interdite sous prétexte de sécurité, probablement au cas où Al-Qaïda tenterait de faire scratcher un avion en l’éclaboussant avec un verre d’Evian, est autorisée à la vente avant l’embarquement. A retenir donc : l’eau gèle à 0 degré, bout à 100, et devient inoffensive à 3,60 € les 75 cl.
J’ai sorti un appareil dans l’espoir d’avoir une vue aérienne de la citadelle d’Erbil. Coup de chance, j’arrive à la repérer au loin. Restera plus qu’à demander à Photoshop un coup de main pour faire disparaître le voile atmosphérique et le hublot.
Je cherche pourquoi la durée de vol et l’heure d’arrivée à Erbil ne collent pas avec les deux heures de décalage horaire. En fait, cela fait deux ans que nous n’avons plus qu’une heure de décalage, ça peut toujours servir de le noter.
Premières retrouvailles avec le Kurdistan au poste de douane : sont contents et se foutent royalement du papier de Saywan, comme d’hab. A se demander si le visa est vraiment obligatoire ou si c’est à la tête du client ?!
Je prends quelques photos de l’entrée de l’aéroport pendant qu’on se demande à quoi peut bien ressembler le chauffeur qui devrait à priori nous attendre, et surtout où. On laisse passer les premiers petits bus avant de prendre le dernier emprunté par le personnel principalement Pakistanais, Tamouls… en ricanant au passage des élucubrations journalistiques en général et de celles de Géo en particulier sur le fléau du chômage au Kurdistan, entre autres… A se demander si les brillants reporters ont déjà mis les pieds ici, surtout quand ils prétendent que la bannière rouge du PDK flottent dans toutes les rues de la ville !
Bon, c’est vrai qu’ils n’ont pas été foutus de reconnaître non plus St Nicolas dans l’évêque qui s’occupait des enfants et qui a une église de « Noël baba kilisesi » (église du Père Noël) en Turquie et qu’ils ont réussi à photographier la mosquée d’Eski à Edirne : on leur souhaite d’avoir passé un bon moment avec M. Eski, parce que dans la foulée, ils ont réussi l’exploit de louper rien de moins que la Selimiye !
Au check-point, rien qui ressemble à un chauffeur en attente de passagères inconnues, mais les conducteurs de taxis sont ravis de notre présence. On se laisse ¼ d’heure avant d’en prendre un pour l’évêché, ce qui me laisse le temps de photographier le décollage d’Austrian et d’ameuter au passage la sécurité qui veut voir ce que j’ai sur ma carte mémoire. Si les Kurdes se mettent à imiter les YASAK turcs, on ne va pas se gêner pour les charrier ! No problem, no problem, no problem… ah si, problème : j’ai pris « Erbil international »… je suis loyale : s’il me force à effacer le logo de l’aéroport, je vais me faire voir chez les Turcs.
Après un bref instant d’intense cogitation, sous les sarcasmes amicaux des chauffeurs de taxis et ceux de ses collègues (bien contents de ne pas être à sa place), il capitule et refuse de continuer à visionner… pas de chance, j’ai presque envie de lui apporter la preuve qu’il avait entièrement raison de se méfier !
Toujours pas de chauffeur en vue, mais l’évêché n’est pas loin de l’aéroport. Sandrine explique au conducteur qui ne sait pas ce qu’est un évêché, qu’on va voir le président de l’Eglise. En fait, c’est à St Joseph à Ankawa, celle qu’on avait abondamment critiquée la dernière fois.
Après un contrôle de nos sacs, on nous indique partout que Matran Rabban est à l’église (probablement au cas où nous serions assez crétines pour le croire à la chasse aux papillons un Vendredi Saint).
On se débarrasse des bagages dans l’une des chambres qui nous attendent plus que le chauffeur. Paraît qu’on aurait dû l’appeler, mais comme rien n’est jamais vraiment clair ici et que ça cafouille toujours côté organisation, ça permet au moins de se sentir tout de suite à la maison.
L’église est pleine à craquer, il fait beau, et il y a foule dans la cour : parfait pour les photos. Un jeune vient timidement nous informer qu’on « peut » y entrer. On le remercie gentiment qu’on sait… avant de tester tous les coins d’ombre pour apprécier ensemble d’être au Kurdistan, même si c’est à Ankawa.
Le jeune revient pour nous rappeler qu’on « peut » rentrer dans l’église. On le remercie qu’on sait toujours… avant de reprendre notre conversation. C’est vraiment trop bien d’être là, ça devenait même plus que vital de se ressourcer. Deux ans loin de la France, ça on peut assurer sans problème, même beaucoup plus d’ailleurs, loin d’ici, on sature nettement plus vite.
Le petit jeune revient nous dire qu’on « peut » rentrer dans l’église. Oui, bon ça va, on a compris qu’on PEUT y entrer dans l’église, là on discute, je photographie et on apprécie le simple fait d’être là ! Et puis, par la même occasion, on sait aussi que Matran Rabban est dans l’église, vu qu’on ne compte plus le nombre de personnes qui sont venues nous le signaler, qu’on est ravies de le revoir bientôt, et qu’on ne le suppose pas non plus en train de faire du shopping (après une chasse aux papillons) un Vendredi Saint !
Les messes ont l’air de durer vraiment longtemps ici. Celle-ci avait déjà commencé avant qu’on arrive il y a plus de deux heures. Le petit jeune revient : église, Matran… là visiblement, on ne « peut » plus, on « doit » le suivre.
Il nous conduit à une porte latérale et nous oblige pratiquement à entrer dans l’église, derrière l’autel, devant des centaines de fidèles plus curieux pour l’instant de notre présence qu’attristés par la mort du Christ, et évidemment devant Monseigneur qui vient nous serrer la main, visiblement nettement moins content de nous qu’à sa conférence au collège des Bernardins. Qu’est ce qu’on a (encore) bien pu faire comme bourde pour contrarier l’adorable kurdistani si enthousiaste à Paris ?
Je commence à soupçonner un problème d’interprétation quand avant de reprendre sa messe, il m’annonce que nous « pouvons » aller partout et que je « peux » tout photographier. Ca ressemble tellement à un ordre, que je retiens à grande peine un « Oui Chef, bien Chef !» ironique, mais bon, on est en pleine messe, et en tant que photographe, je ne vais quand même pas me plaindre d’avoir carte blanche.
Je mitraille pendant ½ heure en écoutant la chorale vraiment excellente, avec Sandrine pleine de bonne volonté pour me servir d’assistante, en espérant que j’arriverai à tirer quelque chose d’à peu près potable malgré l’éclairage particulièrement mauvais.
En sortant, on refait un tour avant de s’asseoir par terre le temps que Monseigneur soit disponible. Il est en train de discuter avec un petit groupe quand il fait un brusque bond en se retournant en s’exclamant qu’il ne nous avait pas vues… Il a l’air de nettement meilleure humeur et content de nous présenter, ainsi que le blog de Sandrine et son post sur sa conférence avec mes photos. Nous aussi ça nous fait plaisir de le retrouver. La preuve, Sandrine se charge même de trouver charitablement une explication « acceptable » à la question existentielle qu’il me traduit sur une photo « Pourquoi une croix ? », pendant que je retiens (difficilement) celle qui me vient spontanément à l’esprit : c’est vrai que pour le fun, j’aurais préféré une étoile de David, mais les évêques manquent légèrement d’imagination côté décoration vestimentaire !
A l’évêché, quelques visiteurs se présentent. Au Kurdistan, il y toujours quelques visiteurs, avec le cérémonial immuable qui va avec. Difficile d’avoir une conversation privée un peu suivie, et ça empire avec l’évolution de la situation sociale et la notoriété de l’hôte. Évidemment, chez Rabban, à Ankawa, pendant Pâques, le défilé constant était à prévoir. On a quand même quelques instants pour discuter un peu, un vrai luxe pour le tourbillon que nous sommes venues voir !
Dîner brochettes pour nous, thon à l’huile citronné (cuit !) pour lui. Le Carême n’est pas terminé, il ne mange pratiquement rien depuis presque 50 jours, dort encore moins, mais continue à bosser comme prêtre, évêque de deux diocèses, bâtisseur, attaché en communication, notable…
Pas étonnant qu’il soit épuisé et plus qu’amaigri. N’importe quel toubib français hurlerait devant le programme infernal qu’il s’impose !
Ca ne l’empêche pas de rester combatif et passionné. On l’écoute parler et nous expliquer ce que l’on sait depuis longtemps, et il nous confirme que nous avons la même vision des choses sur tous les sujets abordés touchant au Kurdistan.
Excellente journée, même si c’est le premier anniversaire que Sandrine me souhaite en m’apportant mon cadeau sans déboucher une bouteille !
Les seuls qui feront la foire ce soir, tiennent à me faire savoir qu’ils sont ravis de ma présence et qu’ils ont bien l’intention d’en profiter, Carême ou pas… saletés de moustiques !