Presque pas dormi, mais fidèle au poste à 4 h. Il fait encore nuit, mais l’aube pointe rapidement. Je sors dans la cour du Temple yézidi dans Lalesh encore endormie : impression de toucher l’éternité…
Aux premières lueurs, j’hésite encore entre rester près du Temple en espérant pouvoir photographier les religieux yézidis en prière, ou monter sur les hauteurs pour prendre le Temple de Lalesh sous les premiers rayons de soleil, ce qui est la solution la moins aléatoire.
J’ai pris mes tongs pour la grimpette : c’est encore trop douloureux pour marcher pieds nus, il faudra que je pense à régler le problème pour une prochaine fois.
En chemin, je me surprends à enjamber les seuils, tous les seuils, avec une aisance et une désinvolture à faire pâlir d’envie… euh, n’importe quel apprenti enjambeur de seuils ! Ça va me rester ça, déjà qu’avant de partir j’ai enjambé le seuil des toilettes…
Je photographie quelques symboles sur des pierres qui ont été réemployés dans la construction de petites maisons, après l’une des destructions du Temple qui a été rebâti plusieurs fois, la dernière en 1985, avec en partie des pierres qui avaient été cachées pendant les persécutions.
Ça me prend un peu de temps pour trouver l’endroit idéal, mais j’y suis avant les premiers rayons de soleil pour un mitraillage en règle et quelques photos panoramiques de Lalesh et principalement de son Temple.
En redescendant, je croise plusieurs fidèles dont le parcours semble établi dans tout Lalesh. Il s’agit d’embrasser les endroits sacrés : seuils et chambranles de portes, arbres, tombes, côtés de niches où sont allumées le soir des petites lumières… Leur respect des lieux saints est touchant, et pas plus absurde que d’embrasser des icônes ou la bague d’un évêque.
Je craignais d’être un peu intrusive avec mes appareils, mais visiblement, je suis adoptée : plusieurs femmes intègrent dans leurs dévotions matinales un arrêt photo, avec beaucoup de gentillesse…
Quand je redescends, je suis invitée par mes hôtes à partager leur petit déj., puis un café au lait, la prêtresse d’Allemagne n’ayant pas renoncé à cette agréable habitude pendant son séjour ici.
Je profite d’une courte visite de Babé Cawich (çawish) pour prendre une ou deux photos du plus haut religieux du village sacré yézidi, dans son costume qui a traversé les siècles. Le responsable de Lalesh passe sa vie ici et ne sort jamais du lieu saint.
J’ai des nouvelles de Luqman en milieu de matinée, mais c’est pour apprendre qu’il a perdu sa mère ce matin. Je ne le reverrai probablement pas avant mon départ de Duhok et mon anglais est trop défaillant pour lui présenter mes condoléances et le remercier de son aide par téléphone. Heureusement, j’ai son email comme celui de tous les Yézidis à qui j’ai parlé cinq minutes… et qui ont un email.
Shivan m’a trouvé un chauffeur pour 15 heures. Je profite du temps qui me reste pour faire mes adieux à mes hôtes et compléter les photos.