EPOS Kurdish Chronicle – Photodiary from KRG – English version here
Le Kurdistan accueillerait aujourd’hui près de 1.400.000 réfugiés, la plupart irakiens, fuyant l’avancée de Daesh, groupe djihadiste autoproclamé «Etat islamique». Le 7 août dernier, la ville chrétienne de Qaraqosh, située à une trentaine de kilomètres de Mossoul, qui était assiégée depuis plusieurs semaines, a à son tour été attaquée. Les Peshmergas kurdes avaient prévenu la veille au soir de l’imminence de l’attaque et de l’impossibilité pour eux de continuer à défendre la ville en l’absence d’armement suffisant, face à des terroristes qui disposent des armes nombreuses et sophistiquées abandonnées par l’armée iraquienne lors de la chute de Mossoul.
Les habitants de Qaraqosh n’ont eu que quelques heures pour fuir et gagner Ankawa, la proche banlieue chrétienne d’Erbil (capitale du Kurdistan) qui compte actuellement près d’une trentaine de camps pour environ 75.000 réfugiés.
Près de deux mois plus tard, une partie d’entre eux est hébergée à St Joseph, l’église de l’évêché catholique chaldéen qui accueille également quelques Chrétiens de Mossoul et des villages environnants.
La communication est difficile, les réfugiés parlant uniquement l’arabe, mais l’accueil chaleureux. Une jeune fille de 16 ans, Catherine, se propose pour me servir de guide et répondre à mes questions. Avec quelques mots d’anglais, quelques gestes et beaucoup de bonne volonté, nous parvenons à nous comprendre, au moins pour l’essentiel.
Elle vient de Qaraqosh et vit ici depuis deux mois, avec sa famille et plusieurs centaines d’autres réfugiés. L’UNICEF a installé des tentes pour les abriter, et l’église St Joseph a mis à leur disposition tous ses bâtiments annexes. Les grandes salles climatisées sont occupées principalement par des familles avec des nourrissons et des enfants en bas âge.
La Croix rouge et d’autres ONG dont ma jeune guide a oublié le nom, leur apportent l’aide nécessaire à leur survie, des soins médicaux, de l’eau et de la nourriture, des couches, du lait et des berceaux pour les bébés, et même des jouets pour les enfants.
Un homme m’explique désabusé qu’à cause de Daesh, l’Irak, c’est fini. Ils ne savent pas quand ils pourront rentrer chez eux, ni même s’ils pourront rentrer un jour, mais ce qui semble le plus peser aux réfugiés de St Joseph, c’est l’inactivité et l’isolement.
Ma visite est donc une distraction bienvenue dont les enfants entendent bien profiter. Ils m’entraînent dans la cour de l’évêché pour me faire admirer le jardin et m’offrir des roses, et n’acceptent de me laisser rejoindre les adultes que quand ils sont certains d’être tous sur les photos.
Les filles m’entrainent dans les salles communes où vivent les familles avec des enfants. Les jeunes parents sont un peu intimidés, mais fiers de me montrer leur bébé. Les femmes plus âgées n’hésitent pas à venir m’embrasser avant d’échanger les quelques mots d’anglais et de français qu’elles connaissent : hello, bonjoureuh, thank you…
Une professeure d’arabe, elle aussi réfugiée de Qaraqosh, assure des cours d’arabe aux enfants qui ne seront malheureusement pas scolarisés cette année. Elle me fait comprendre que c’est important pour les enfants, mais aussi pour elle, car ça lui permet d’avoir une occupation tout en aidant sa communauté.
Les réfugiés chrétiens de St Joseph sont probablement parmi les mieux lotis du Kurdistan, mais ils souffrent de leur exil forcé et de cette solitude dont ne les protège pas la vie en communauté, où l’intimité est impossible, et où le confinement les isole du reste du monde.
Certains puisent du courage dans leur foi : un homme m’a demandé de photographier le fond d’écran de son ordinateur portable, une image de la Vierge le visage baigné de larmes, et m’a expliqué, ému, qu’aujourd’hui Marie pleure pour eux…