Lalesh Centre Duhok – EPOS Chronique kurde

EPOS Kurdish Chronicle – Photodiary from KRG – English version here

Réfugiés de Shengal

Réfugiés de Shengal au Centre Lalesh de Duhok

Le 3 août dernier, les djihadistes de Daesh, «l’Etat islamique» attaquaient Sinjar (Shengal en kurde) protégé depuis la chute de Mossoul par les peshmergas de la région fédérale du Kurdistan d’Irak. Dotés d’un armement dépassé et nettement insuffisant, les combattants kurdes n’ont pu soutenir l’assaut, et la région entière a été livrée à la sauvagerie la plus bestiale.

Des centaines de milliers de personnes ont dû fuir dans les montagnes de Sinjar, sans eau, sans nourriture, sans abri, sous un soleil de plomb, et sans espoir d’être secourues rapidement.

Enfants yézidis réfugiés au Centre Lalesh de Duhok

Enfants yézidis réfugiés au Centre Lalesh de Duhok

La communauté internationale est restée muette sur le drame qui frappait une nouvelle fois la communauté yézidie, dont le Sinjar, au Nord Ouest de Mossoul, est l’un des territoires historiques avec le Sheikhan, situé lui en zone kurde. Ce n’est que quatre jours plus tard, après l’attaque de Qaraqosh, ville chrétienne, que l’Occident entendait parler de l’existence de ce peuple.

Les Yézidis sont pourtant les descendants d’une civilisation multimillénaire, et en sont à leur 73e massacre, l’empire ottoman n’ayant eu de cesse de détruire ceux qu’il considérait comme des adorateurs du diable, dans l’indifférence générale.

Petits garçons yézidis de Sinjar réfugiés au Centre Lalesh de Duhok

Petits garçons yézidis de Sinjar réfugiés au Centre Lalesh de Duhok

S’ils sont toujours présents aujourd’hui, ils ne doivent leur survie qu’à leurs montagnes, abris dérisoires qui malheureusement viennent de se transformer en tombeaux pour beaucoup d’entre eux. Des centaines de personnes sont mortes d’épuisement, de faim et de soif. Difficile de dire exactement combien, le Sinjar étant toujours sous la coupe de Daesh. Des milliers d’autres ont été capturées, égorgées, abattues. Les femmes  qui n’ont pu s’enfuir ont été violées et massacrées, quant aux plus jeunes, elles sont vendues comme esclaves sexuelles dans les bazars de Mossoul, mariées de force et à de multiple reprises à des islamistes, ou servent à assouvir les pulsions bestiales des troupes de «l’Etat islamique».

Rania - Petite fille yézidie du Sinjar réfugiée au Centre Lalesh de Duhok

Rania – Petite fille yézidie du Sinjar réfugiée au Centre Lalesh de Duhok. Rania a 2 ans et demi et a perdu sa petite soeur morte de privations dans la montagne.

Les plus «chanceux» se sont dirigés par centaines de milliers vers le Kurdistan pour y trouver refuge. Si les Chrétiens cherchent naturellement un abri à Ankawa, la banlieue chrétienne d’Erbil, les Yézidis espèrent trouver secours et protection dans le Sheikhan, où est situé Lalesh, leur Temple et leur village saints, situé dans la région de Duhok.

Mais ici, la situation humanitaire est catastrophique. Duhok avait déjà accueilli des réfugiés syriens, puis ceux de Mossoul. Faire face à l’afflux de centaines de milliers de personnes supplémentaires est un défit quotidien, et l’aide internationale longue à arriver est très nettement insuffisante.

Les réfugiés se sont entassés partout où cela était possible, mais des milliers sont toujours sans abri, dans les rues, et sans le moindre secours. Les enfants de la région n’ont toujours pas effectué leur rentrée scolaire, les écoles et les lycées servant de centres d’hébergement.

Le Centre Lalesh de Duhok est un centre culturel yézidi et venait d’inaugurer ses nouveaux locaux. Il accueille aujourd’hui dans l’un de ses deux bâtiments neufs, 164 familles de Sinjar, soit environ 1200 personnes.

Portion de boulgour pour trois personnes - Centre Lalesh de Duhok

Portion de boulgour pour trois personnes – Centre Lalesh de Duhok

Le gouvernement fournit à chacune trois repas par jour que préparent et distribuent  les employés du Centre. Du pain, de la confiture et du fromage le matin, des céréales (riz, boulgour…) et des légumineuses (haricots ou lentilles en sauce) pour le déjeuner et le dîner. Les portions sont très réduites et ne contiennent jamais de viande, de fruits ou de légumes. Ceux qui ont un peu d’argent cuisinent dans la cour pour améliorer l’ordinaire, mais la plupart ne peuvent offrir à leurs enfants les vitamines qui manquent au menu, et certains présentent déjà des signes de carence.

Petite Yézidie du Sinjar réfugiée au Centre Lalesh de Duhok

Petite Yézidie du Sinjar réfugiée au Centre Lalesh de Duhok

Il était prévu que deux médecins passent deux fois par mois, mais les réfugiés ne les ont pas vus depuis un mois déjà.

Des coiffeurs bénévoles coupent les cheveux de ceux qui le souhaitent, et beaucoup d’enfants, y compris des petites filles ont les cheveux ras pour éviter des problèmes d’hygiène supplémentaires, le Centre Lalesh ne disposant que d’une douzaine de douches pour 1200 personnes, dont quatre cabines à l’extérieur.

Certains réfugiés expliquent que leurs conditions de vie sont difficiles, mais qu’ils s’estiment chanceux par rapport à leurs compatriotes toujours sans abri, et pire encore, ceux restés prisonniers dans le Sinjar.

Le nombre de réfugiés qui vivent aujourd’hui au Kurdistan est impossible à établir actuellement. Pour les villes qui accueillent des Yézidis et où ils représentent au moins 90 % des réfugiés, le Centre Lalesh de Duhok donne l’estimation suivante :

 

–       Amadiyah : 20.000

–       Duhok : 130.000

–      Erbil : 5.000

–       Khanik : 68.000

–       Sharya : 55.000

–       Sheikhan/Lalesh/Mahat : 35.000

–       Suleymaniye : 10.000

–       Zakho : 115.000

Soit un total de 438.000 personnes, mais il y en a aussi dans pratiquement tous les villages de la région qui disposaient au moins d’un local pouvant accueillir des familles.

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