Depuis hier nous campons a Kâhta। Quand je dis camper c’est une façon de parler car l’hôtel est très bien avec de grandes chambres claires, climatisation et un jardin-restaurant. Le patron a une histoire intéressante : il se dit chrétien mais c’est seulement depuis deux ans. Son père était chrétien mais comme il l’avait perdu a 6 ans (tué par des Musulmans) il a longtemps ignoré ses origines car sa èere est Kurde et lui-même se considère comme Kurde plus que Suryani. Un Kurde chrétien, il y en a qui aiment avoir des problemes. Il nous a dit qu’à Kâhta vivaient environ 350 chrétiens et à Adyaman 150 (tu vois Ephrem, on pense à toi !).
Il y a aussi des Alévis qui vivent dans ces montagnes, venus après les grandes révoltes du Dersim। Des enfants d’Alévis auraient été aussi emmenés à Malatya alors que leurs parents étaient tués. En tous cas, ici ils sont tous kurmandj pour la plupart et depuis hier ne cessent de répéter à toute la ville et les villages environnants que je parle kurde. Ce matin, sur le chantier archéologique du Nemrud, ils étaient fiers. Qu’une Française apprenne le kurde à Paris, à l’université et dédaigne en plus d’apprendre le turc… ils ont tous affiché un air entendu et supérieur devant un des chefs de chantier, un Turc qui n’y pouvait mais et qui en plus avait l’air très sympathique, ne semblant pas m’en vouloir.Ce qui est notable c’est qu’en ville il est difficile de repérer d’emblée les Kurdes car ils parlent souvent turc. Par contre, les mêmes, dès qu’ils arrivent au village, parlent instantanément kurde. C’est comme un conditionnement qui tomberait avec l’air des montagnes.
Cet apres-midi nous avons vu l’église syriaque d’Adyaman qui est rouverte depuis deux ou trois ans grâce au soutien actif des Suryanis de la diaspora (Allemands pour la plupart)। Ils viennent ici aux vacances et célèbrent leur culte. L’église, qui a quatre cents ans est assez jolie, quoique très simple (les églises ne doivent jamais être ostentatoires en terre d’islam). Un bâtiment de plan rectangulaire, de pierre blonde. A l’intérieur peu de décoration sauf des retâbles de bois peints et sculptés dans un style naïf. Le prêtre parle kurmandji tres bien quoiqu’il dit l’avoir beaucoup oublié depuis 1965, date à laquelle il a dû cessé de le parler et de l’entendre.
(Ici je fais une pause pour signaler que tout le temps que je tape ce post des garçons passent en m’interpellant joyeusement en kurde et répètent aux rares qui ne sont pas déjà au courant que cette Française-là parle kurde. Apparemment toute la ville se passe le mot.)
Je reprends : La situation des Chrétiens est moins bonne à Adyaman qu’à Kâhta car moins nombreux, ils ont un peu peur des Musulmans et des autorités. Disons qu’ils ne s’affichent pas beaucoup. Par contre, contrairement à ce que j’ai souvent entendu dire ils n’ont pas d’hostilité envers les Kurdes et le fait que je parle kurmandji semble les réjouir. D’ailleurs un certain nombre d’entre eux le parle aussi en plus du syriaque.
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