Eh bien nous voici à Cizre. Pour deux nuits, peut-être, si on ne nous expulse pas. Pour le moment, pas vu grand-chose, sauf l’hôtel, qui est de luxe. Et des enseignes Mem et Zin un peu partout. Petrol Mem u Zin, Mem u Zin Market, etc.

Maintenant que nous sommes sous état d’urgence il faut que je pense à caler mes papiers et mes livres sous mes petites culottes et mes affaires de toilettes. S’ils n’aiment pas trop les intellectuels, ils ont encore plus horreur des affaires de femme. C’est d’ailleurs une énigme pour moi. Des grands gaillards qui n’hésiteraient pas à violer dix paysannes kurdes rougissent rien qu’à l’idée de toucher du doigt un baton de rouge à lèvres (d’ailleurs il y a beaucoup de choses qu’on peut trouver dans mon sac mais jamais ça).
A l’hôtel visite traditionnelle de la « Security Police ». Deux jeunes, pas mal physiquement, sympathiques, un gros connard frustré (heureusement un subordonné, et c’est sans doute pour ça qu’il est frustré) et son larbin qui notait.
Le Botan n’a pas changé, il est toujours ôcre et rose. Les gens d’Idil parlent drôlement, très vite, mais de façon mélodieuse, modulée : un accent arabe, indéniablement, on croirait entendre des gens de Damas. Mais ceux de Cizre, je les comprend très bien.
La premiere soirée à Cizre fut employée à sauver l’honneur kurde en fêtant avec du vin notre arrivée dans la ville de Noé, de Malayê Djaziri et d’Ahmedê Khani : Roxane va sûrement raconter comment il a fallu batailler pour cela. Ce gamin avait une tête a faire partie du KADEK. A l’OFK, il faut toujours qu’on attire sur nous la fureur des bien-pensants. On doit émettre des ondes pour cela. Mais nous avons trinqué. Aux poètes, aux amoureux, à nous.