Hadi

Roxane me demande d’expliquer Hadi. Le phénomène Hadi… Bon, c’était en septembre 2000, dans un dolmush qui nous emmenait de Batman à Van. Presque aucun passager, mais parmi eux Hadi. Un jeune de Batman qui est venu nous rejoindre à l’arrière du bus, s’est assis à côté de moi et a laissé trainer sa main. J’explique pour les Européennes, ça peut servir : ici, ce sont les filles qui font les avances et donc qui prennent la main des garçons, et quand ils jouent leurs demoiselles effarouchées elles doivent insister, et quand ils partent en courant elles leur courent après, ameutant père et frères au besoin…

Bon. Hadi a vraiment laissé trainer sa main sur la banquette pendant des kilomètres, avec une touchante bonne volonté. Il ne nous a pas lâchées jusqu’à l’hôtel (et c’est pour cela qu’on a pris le premier venu, le Çaldiran donc), s’est fait jeter par le personnel de l’hôtel, m’a appelée deux trois fois dans la nuit d’un ton dramatique (Sandrina, ez ji te hez dikim…), a recommencé le lendemain et pendant tout mon voyage, et même après mon retour, n’a cessé de m’appeler, jamais découragé. Deux ans cela a duré. Règle générale : Hadi se manifeste toujours quand j’attends un appel important et que je me précipite sur le téléphone. Par la suite, se doutant bien que je raccrochais au son de sa voix, toujours optimiste, jamais découragé, car un jour, je verrai bien où est mon destin, il a fait appeler toute la Turquie à sa place. Une amie de Diyarbakir, un copain de Batman, Kasim d’Istambul, un Ahmet de Samsun…

Maintenant qu’il a cessé d’appeler (sa maman a dû le marier entre temps) ces deux derniers appellent pour leur propre compte. Ne me connaissent pas du tout mais je suis régulièrement invitée à Istambul ou Samsun. Donc un conseil : si jamais un Hadi de Batman vous demande votre numéro, sautez du dolmush, même en marche.

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