Le tocsin sonne dans mon rêve, puis finit par m’en sortir. Non, finalement, ce ne sont que les cloches de l’église qui appellent les fidèles. Un oeil sur ma montre : 4 h 20… no comment !
Je ne vais pas entraîner Sandrine pour des photos de messe à une heure aussi matinale, elle risque de mordre. J’en profite pour rattraper un peu le retard photos/blog et préparer les appareils avant de prendre une douche histoire de me réchauffer, quand elle tambourine à la porte avant de descendre sans attendre de réponse.
J’accélère la manoeuvre pour la rejoindre dans la salle à manger et apprendre qu’elle a été fayotter en faisant acte de présence 10 mn à la messe. Bien sûr, elle a en plus été claironner que je devais encore dormir, alors que j’attends quelle se réveille depuis des heures !
Il y a du monde à table, y compris deux Allemands dont un photographe, et je suis la dernière à prendre mon petit dej. Heureusement, le matériel est prêt pour la deuxième messe du jour, à St Georges. On y va avec Rabban qui ne doit plus se faire beaucoup d’illusions sur notre piété, mais qui tient à se qu’on monte avec lui : meilleur moyen d’être sûr qu’on assistera au moins à une messe complète…
La lumière est meilleure qu’à St Joseph pour les photos. Je vais commencer à en avoir pas mal sur le sujet, marrant qu’il m’ait fallu le Kurdistan pour m’y intéresser. En France, je ne fais les cathédrales que pour ma collection de gargouilles !
Je profite que le Matran se déplace avec sa coupe d’hosties dans l’allée latérale, pour m’avancer dans la centrale et prendre d’un peu plus près les enfants de choeur. Pas simple avec le micro et le pupitre qui les cachent, quand j’entends un «Psssiiitttt !» pressant de Sandrine. Je me retourne pour voir pourquoi elle fait du boucan pendant la messe et tombe sur Rabban qui attend patiemment derrière moi pour passer rejoindre l’autel et reprendre sa messe !
Je bafouille un «Oups, pardon !», avant de lui laisser le passage devant ses fidèles qui n’ont jamais dû voir personne bloquer un évêque en pleine cérémonie, et vais me planquer derrière un pilier avec Sandrine, histoire d’étouffer la crise de fou rire… Là, je crois que je tiens la palme de la plus belle bourde de l’année… enfin, j’espère !
En sortant, le photographe allemand qui lui est resté totalement invisible pendant la messe (je ne l’ai même pas repéré dans la foule), prend quelques photos avant de partir. La réputation sur les méthodes de travail de ses collègues français risque d’en prendre un sérieux coup !
On rentre avec Rabban qui nous explique que les gens vont venir « nous fêter », et s’abstient charitablement de tout commentaire sur ma brillante prestation.
La fête consiste en un défilé incessant de notables, dont le ministre de la culture et le gouverneur de la ville qui viennent présenter leurs félicitations pour Pâques. On essaie de se tenir à peu près convenablement pour l’occasion et je fais gaffe à éviter les bourdes devant le gratin d’Erbil en le photographiant : je me suis déjà assez fait remarquer pour aujourd’hui.
Le Carême étant terminé, on s’attendait à ce que Rabban mange un peu plus, mais il passe le déjeuner à râler contre le poulet que le gardien a servi. S’il continue comme ça, il y aura deux places d’évêques supplémentaires à pourvoir au prochain synode !
Après la deuxième fournée de notables qui se termine en fin de journée, il nous prévient qu’il va visiter des malades, mais cette fois, nous demande si nous serons là à son retour.
Il y a du progrès : on ne sait pas quand il rentre, mais au moins on sait qu’on « peut » l’attendre !
Le gardien nous apporte des hamburgers avec du coca, et pas le thé ordonné par Monseigneur. Il commence visiblement à nous apprécier vu qu’on le soutient dans sa lutte pour inciter son boss à manger un peu plus.
On a le temps de discuter un peu quand il rentre, ce qui nous vaudra par la suite quelques heures de décryptage.
Je lui donne notre numéro de téléphone local qu’il refuse de noter, sous prétexte qu’il préfère mémoriser pour ne pas détruire son cerveau… vu l’état de fatigue évident dans lequel il est, je doute sérieusement et prends acte que s’il n’appelle pas, ce n’est pas parce qu’il n’a pas notre tél, mais parce qu’il ne veut pas.
J’aurais mieux fait de m’abstenir, parce que ça déclenche un discours sur l’inutilité des contacts, nettement plus efficaces par la prière… là, je suis mal barrée, d’autant que ça soulève encore une foule de questions !
Quinze ans d’expérience avec les Kurdes, et on en est encore à plancher sur « Mais qu’est ce qu’il veut dire par là ? » !!!