Retour au salon de réception où nous attend un grand plateau pour le déjeuner. Un troisième convive se joint à nous, et refuse énergiquement qu’on me laisse dormir ici à Lalesh. Je ne sais pas qui c’est, mais Luqman me fait discrètement signe que c’est loupé.
J’ai intérêt à accélérer la cadence côté photos, parce que pensant que j’avais tout le temps nécessaire, j’ai évidemment trainaillé.
Si c’était agréable au printemps de marcher pieds nus ici à Lalesh, en été c’est une véritable torture. Le sol est brulant, même à l’ombre depuis des heures, et ça devient de plus en plus pénible.
C’est vendredi donc jour de repos, et il y a un monde fou. Impossible de faire quelque chose de correct : tout le monde m’appelle pour prendre le thé et manger.
Les gamines s’encouragent entre elles pour m’approcher, et disent toujours oui quand je propose une photo… sauf qu’elles ne veulent pas que j’en prenne d’elles, elles veulent en prendre de moi. Elles sont relayées par leurs frères et cousins, pères et mères, oncles, tantes, grands parents… ça n’en finit pas : je frémis en pensant à leur Facebook, vu qu’en photo, je fais carrément bovine !
Quand j’arrive à faire un portrait, ils tiennent à poser, ce qui ne donne jamais un résultat naturel.
Je rejoins Luqman qui vient de me téléphoner pour savoir où je suis passée. Il veut me présenter à l’une de ses élèves (il est prof d’économie), une jeune Sheikh de 18 ans, qui meurt d’envie de me parler, mais n’ose pas m’approcher.
Elle est adorable et me présente à ses amis, voisins, et à une partie de sa famille. Elle rêve de devenir prof d’anglais, et est aux anges de pouvoir discuter avec moi, et me demande de venir dormir chez elle.
C’est plein de jolies Yézidies et j’enrage de ne rien avoir pu faire de bon jusqu’ici, d’autant qu’il me reste peu de temps avant la tombée du jour, quand je recroise le convive du déjeuner. Il se dirige droit vers moi volubile en m’expliquant que si je veux dormir à Lalesh, et bien je dors à Lalesh, non mais ! L’air outré qu’on puisse m’en empêcher. Luqman, qui était prêt à m’embarquer avec lui à Sheikhan, me fait signe que cette fois c’est bon…
Il tient à me rassurer, pour le cas où un doute m’aurait effleurée : on va me donner à manger ce soir, et aussi un petit déj. demain matin. Avec ce que j’ai avalé aujourd’hui, je pourrais tenir un siège, mais je ne compte pas sur les Yézidis pour m’aider à maigrir !
En attendant, je peux m’installer dans le salon de réception. C’est immense, il y a plein de prises de courant, mais aucun adaptateur pour recharger les batteries des boitiers. J’en ai bien pris un, mais je me suis plantée de modèle, et mon dernier Sony épuise mes réserves à une vitesse prodigieuse, ce qui va me poser un problème demain.
Luqman m’explique comment utiliser les prises disponibles, sans bousiller mes câbles. En fait, il suffit d’introduire un objet (de préférence non métallique) dans le trou du haut, pour écarter les deux fiches du bas : je comprends mieux pourquoi j’ai souvent vu des bâtonnets de glace dans les prises, mais pas pourquoi personne ne m’a expliqué comment faire quand je demandais un adaptateur : depuis 2005, ils ont tous été me chercher un adaptateur !