Ahlat

Lac lumière et roses
Ombres et roses avertissement
Sur le bleu des larmes éprises
Le calme chinois des montagnes

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Depuis deux jours, repos dans l’hôtel Selçuklu. On ne fait rien que faire un tour le matin et l’après-midi, à l’ombre de la terrasse qui donne sur le lac, à boire des nescafés avec le gosse de l’hôtel sur les genoux. Ici ils doivent s’étonner de ces touristes qui ne fichent rien, ne se baignent même pas, restent très correctement vêtues, ni short ni maillots. Tout cela fait très villégiature à l’ancienne mais cette pause est nécessaire : conseil de guerre, écrits, réflexion sur la marche à suivre et certaines taches plus prosaïques telle qu’une bonne lessive. Et avant tout profiter de la merveilleuse vue de ce lac que je ne me lasse pas de regarder toute la journée. Il change de couleur au moins cinq fois par jour.

La Turquie est de plus en plus mûre pour la démocracie : qund un serveur a décidé de vous offrir un thé il vous le donne d’un air menaçant et il n’y a absolument rien a dire.

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Ahlat

Je résume les aventures des derniers James Bond lancés à nos trousses : en sortant de la pasta, deux keufs de Bitlis nous ont suivis jusqu’à l’hôtel où nous avons repris nos bagages. Roxane leur a rendu le cable de dérivation qu’ils avaient fixé à notre téléphone (air piteux). A la station de dolmush un flic a ostensiblement demandé au chauffeur de l’avertir que nous allions bien à Tatvan. Le chauffeur, un Kurde, n’a pas fait de zèle. A Tatvan, il nous a demandé si nous allions bien à Ahlat, et nous a indiqué un groupe de dolmush sans vérifier dans lequel nous montions. De toutes façons, nous allions VRAIMENT à Ahlat (Chef, c’est louche…).

 

Ahlat Ancienne capitale mongole, où l’on battait monnaie pour tout l’empire d’Iran. La moitié de la vieille ville a disparu sous le lac. Beaucoup de tombeaux mongols et postérieurs, très iraniens. Les Kurdes parlent kurde. Il y a beaucoup de têtes rondes et de yeux très bleus. Le chauffeur passe des cassettes kurdes, dont une chanson sur Mercan. Mon keffieh a été là aussi très favorablement accueillie par de jeunes patriotes.

Ahlat est une ville tres verte, avec une chaleur modérée des plus agréables.

Tout ici est habité par le lac, comme une mer habite un pays. Un bleu incroyable, comme celui des mers boréales. Mais quand il pleut, des eaux noires, sombres. Bref ce lac donne selon le temps sa couleur à tout le paysage. Le jardin de l’hôtel a des roses anciennes, très belles, hélas sans parfum. Et les tombeaux qui fleurissent en pleine nature, simples au milieu des vergers. Il y a aussi ce bruit de ressac incessant que l’on entend de la chambre parce que le balcon donne sur le lac. Son arche de pierre rouge lui donne l’allure d’une porte de Mycènes, ce pourrait être la Méditerranée derriere, mais avec un étrange paysage de hautes montagnes. Beaucoup de grillons. Je ne me sens pas au Kurdistan ici mais si c’est cela l’Arménie j’y resterais bien toujours. Parfois un vent fou, un orage qui tourne au-dessus du lac et éclaire le soir et la nuit.
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Bitlis

Berlin Pastahanesi. A Bitlis, on est quand même un peu fliquées. Je ne sais pas ce qu’ils ont bricolé avec les fils du téléphone dans la chambre d’hôtel mais ils ont tout cassé. Roxane est sûre que ça vient de ces connards de Siirt qui se la jouent James Bond. Quitte à me faire suivre, j’aurais préféré mon grizzly. Et même 10 jours de garde à vue ça ne me gêne pas (mais non A. je blague .)

 

En plus à la pasta, entrent d’abord deux flics (grands et costauds mais pas beaux). Lassés de nous attendre à la table à côté (quand on l’a décidé on peut rester trois heures dans une pasta, autant qu’au restaurant) ils finissent par sortir et se faire relayer par les militaires,

tous des appelés) qui entrent à leur tour d’abord à deux et expliquent en turc à côté de nous à un autre client : « tourists Siirt ». Si on avait des doutes… Donc les autres crétins nous font suivre encore, persuadés que si notre emploi du temps parait si innocent c’est qu’on a forcément beaucoup de choses à cacher (cf. Le Grand Blond avec une chaussure noire). Je vois d’ici les appels : « Chef ! Elles reprennent un cinquieme nescafé, ça veut dire quoi ? »

Pauvres petits. Maintenant il y a six militaires dans la pasta, qui font TOUS semblant de lire le journal, horriblement intimidés par nos regards hilares. Il est deux heures et nous sommes dans cette pasta depuis 11 h 30. Et tout le monde attend.

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Bitlis

Hier soir en sortant de l’internet café un type nous suit, bientot rejoint par un copain… pour nous raccompagner et nous remettre aux bons soins de la réception (de quoi je me mele ?) ! Ils sont tellement habitués a prendre les femmes en charge, qu’il leur semble inconcevable qu’on puisse se balader seule। D’ailleurs, de toute la journée on n’en a croisé que 2 dans le bas de la ville : elle préferent rester entre elles bien a l’abri de leurs maisons de la ville haute ; Bitlis est pourtant tres loin d’etre un coupe-gorge.

 

Ce matin, l’hotel ne servant pas de petit dej (au fait, il s’appelle Hanedan et il y a bien l’eau dans la salle de bain, mais elle est réellement glaciale), nous sommes allées déjeuner a l’extérieur (toasts au  »jambon », oeufs, thé, soda : 2.150.000 tl pour deux). Evidemment pas de café, ce qui met toujours Sandrine de mauvaise humeur (elle ne devient fréquentable qu’apres son café) : du coup, elle est ressortie pour aller chercher une boite de Nes dans une boutique ou j’en avais repéré : maintenant, on tend la boite et ils se débrouillent pour nous trouver des tasses et de l’eau chaude. Dans la journée, je me suis trouvé du Nesquik (le matin, je préfere le chocolat) : il ne me reste plus qu’a trouver du lait et les laisser préparer le tout demain a la pastane.

Ensuite grande balade dans la vieille ville qui garde de beaux restes : beaucoup de photos en essayant de planquer les constructions récentes mais délabrées qui gachent le paysage। Les Kurdes sont toujours sidérés de nous voir passer et nous interpellent la plupart du temps en kurde : le kurmandji est parlé partout ici, contrairement aux allégations d’un certain parti qui a imposé le turc comme langue de travail… bien la peine de pleurnicher sur la langue qui ne se perd que dans l’imagination d’une diaspora geigniarde !

 

A part ça, dans le coin le repas habituel pour 2 est dans les 5 millions… et on vient de se rendre compte qu’on est fliquées par les Kurdes (doivent avoir peur que l’on se perde), meme en pleine journée !
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Bitlis

Journée tranquille à Bitlis, après toutes ces péripéties। On est assez surpris de nous voir, mais on nous fiche la paix. Ici, on se sent plus en Arménie qu’au Kurdistan. C’est d’ailleurs facile de distinguer la frontière. Il paraît que pour tracer celle entre le Kurdistan et l’Arabistan il suffit de faire marcher un chameau vers les montagnes jusqu’à ce qu’il refuse d’aller plus loin : là commence le pays kurde. Pour l’Arménie, ce sont les premiers bouleaux qui l’annoncent. Et à Bitlis, les bouleaux, les maisons et les toits côniques des turbehs et des mosquées annoncent déjà Van et Erzouroum.

 

Le russe commence même à apparaitre. Dans une rue de Bitlis un homme nous a demandé « panimachie tirki, roussi ? » En tous cas la température est agréable. Autour de 30 degrés pour qui vient du Botan, c’est l’idéal.
Dans la mosquée Sharafiyye j’ai vu deux tombes récentes, deux hommes, dont un maire de Bitlis : les sharafhanoghlu. Comme quoi les grandes familles ne sont pas toutes perdues.
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Siirt – Bitlis

Ce matin, petit dej dans une pastane (on a loupé celui de l’hotel qui ne sert que jusqu’a 9 h 30)। Les petits pains étant préfabriqués et le nescafé inexistant, on ne traine pas. En sortant, l’un des abrutis d’hier est devant la boutique et nous suit jusqu’a l’hotel. Ils se relaient a 4 pour nous pister jusqu’a l’ulu camii : vraiment pas doués. On s’amuse a les semer et a les attendre pour les surprendre (sont surpris mais mauvais joueurs) : ils peuvent prétendre sans probleme a la palme des keufs les plus cons du Sud-Est. En plus, ils ont l’air d’etre vexés et de nous en vouloir ! Ils vont meme jusqu’a nous faire pister par les keufs et les militaires des différents controles jusqu’a la sortie du district (a Baykan, un keuf arrete le dolmus pour savoir si on est bien dedans) !!!

 

Dolmus jusqu’a Ziyaret (2 millions), puis pour Bitlis (2,5 millions) : 2 h 30, controles, changement de dolmus et arret thé compris. La route a l’approche de Bitlis (512 000 habitants prétend le panneau) est aussi jolie que dans mes souvenirs : j’espere pouvoir la photographier cette fois-ci.

Le 1er hotel (Divan : 5 millions la chambre) n’a pas de douche et sent le moisi. Un commerçant qui veut faire la causette devant sa boutique me signale qu’il y en a un tres beau a coté, ce que nous confirme un chauffeur de taxi. Le tres beau est tres vieux, tres poussiereux et tres délabré, mais les draps qui ont fait leur temps sont propres et il y a de l’eau dans la salle de bain. De toute façon, on n’a pas franchement le choix, vu qu’il semble que ce soit le top de la ville (14 millions la chambre).

 

Avant l’internet café, resto (kefta, soda, salade, thé : 4 millions pour 2) : un type m’arrete pour me dire que je suis çok güzel avec des gestes équivoques, ce qui est assez rare au Kurdistan. Il me rappelle Trabzon l’année derniere ou en sortant d’un dolmus, on m’a proposé avec le plus grand naturel : dolmus ? taxi ? sexe ?

 

Bon, avec ce qu’on avait a rattraper, il y a assez a lire pour ce soir, donc A+
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