Bitlis

Hier soir, à Siirt, enfin a minuit, encore une visite de keufs. Beaucoup moins de classe qu’à Silvan. Un peu gênés par la détente qui les oblige à « accueillir » obligemment des touristes qu’ils ont l’intention de fliquer tout le long de leur séjour. Comme on les avait involontairement semés dans la ville en disparaissant trois heures dans un Internet Café, ils nous bombardent de questions aussi idiotes les unes que les autres. C’est finalement plus tendu qu’à Cizre, où si on ne sortait pas du rôle touriste, les services nous fichaient la paix. Là ils font flicards malveillants et franchement débiles : se mettre à 5 pour éplucher ma carte d’identité… Après en avoir fait une photocopie eux-mêmes, ils ont tous vérifié qu’elle était bien conforme à l’original… je me demande quel concours il faut passer pour être de la police de Siirt. On m’a même demandé si nous avions été au restaurant seulement pour manger. Là je n’ai pas pu me retenir de rire : Oui, et pourquoi d’autre, sinon ?
 
Pendant qu’ils débattaient gravement entre eux des graves décisions qu’ils allaient prendre, nous on regardait X Files à la télévision। Ecouter Mulder en turc, cela change. Le veilleur de nuit avait un masque de bois en nous regardant nous foutre de leur tête (masque qui s’est changé en tirade rageuse contre ces abrutis dès qu’ils furent partis), le patron avait l’air de nous en vouloir (peut-être l’ont-ils tenu responsable de notre disparition de 4 heures ?).

 

Et depuis ce matin ils n’ont cessé de nous filer bêtement : à la pasta, à la mosquée, aux otogars, aux contrôles, jusqu’à ce qu’ils soient sûrs qu’on aient quitté la région de Siirt je suppose। Quand je dis bêtement c’est que leur méthode était idiote, à se cacher sans se cacher. Soit on vous file ouvertement (pour la pression psychologique) soit on se dissimule pour apprendre des choses. Là ils étaient tellement mauvais qu’on les semait sans peine pour finir par les attendre en nous marrant. A quatre, pas à dire, ils sont doués…

Siirt est de toutes façons une ville assez nulle। D’abord on y mange mal, c’est un signe. Et qu’on ne vienne pas venir me pleurnicher la guerre, la pauvreté, gna gna gna… A Silvan c’était idem et on mange bien. C’est une question d’état d’esprit, ou de savoir-vivre. A Sivas c’était aussi médiocre, triste, cher (cela va souvent ensemble). Mais le minaret de l’Ulu Camii (1129, époque seldjoukide) est joli avec son décor de carreaux turquoise sur briques. Et bien restauré pour une fois.

A Bitlis il fait moins chaud, la ville de pierres sombres annonce Van et Erzouroum. Je ne sais pas si c’est plus détendu, depuis qu’on a posé nos bagages on est pas retournées a l’hôtel. Peut-être qu’on nous attend encore la-bas, mais si on doit encore se les taper quelques heures, on ira au bar (eux ils n’ont pas le droit de boire en service). Je lis sur Yahoo France qu’il fait 21 a Paris. C’est bien. Ici, en Mésopotamie, c’est autour de 38 et pres du lac de Van un peu moins, peut-être 28-29.
Publié dans Bitlis, Photos, Siirt, Turquie | Commentaires fermés sur Bitlis

Silvan – Malabadi

Retour a la maison des enseignants ou nous attend Aziz, un prof de chimie qui parle tres bien anglais (il l’a appris tout seul). Il nous confirme que Silvan a bien changé, meme si la situation politique s’est un peu améliorée depuis 3 ans. Le probleme c’est que dans le meme temps, la situation économique s’est considérablement dégradée. Lui fait des heures sup pour s’en sortir, mais beaucoup n’ont pas cette possibilité : le responsable a tout faire du lieu par exemple qui travaille de 8 h du matin jusqu’a 10 h du soir gagne 200 € par mois, et les paysans sont employés dans les champs pour 3 millions par jour (environ 2 €). Les enfants ne suivent pas a l’école (la plupart travaillent au dehors pour survivre) et n’ont aucune motivation, ce qui provoque un affaiblissement intellectuel grave et malheureusement quasi général.

 

Il nous apprend que si on ne trouve plus que des kebap et des doner, c’est que les touristes ne veulent rien d’autre et les commerçants suivent… Il se désole aussi de la condition féminine : quoi que les hommes fassent ou disent, les femmes refusent de se prendre en charge meme un minimum. Elles exigent d’etre toujours accompagnées par un homme, meme pour une sortie de quelques kilometres : ça confirme les écrits d’Apo sur le sujet (dommage qu’il n’ait pas une vision aussi nette en politique) et explique aussi pourquoi on les fascine tous ici.

 

Le lendemain matin, pastane (10 millions : cake, petits pains… et 7 nescafés), puis on rejoint Aziz qui nous emmene chez un aga (facho parait-il) pour visiter une vieille demeure (en fait, elle n’a que 150 ans et est dans un état lamentable). Un vieux nous demande en kurde (on fait semblant de ne pas comprendre) si on connait Kendal qui est un voisin (pourquoi tu ne nous as pas dit que tu étais d’ici ???)… On va voir le FAN-TAS-TI-QUE vieux pont de Malabadi… qui n’offre qu’un intéret extremement limité, mais bon, que ne ferait-on pas pour notre institut préféré… puis les restes de la citadelle qui eux méritent qu’on s’y attarde.

 

Le soir, diner en plein air (j’ai froid, ce qui ne va pas arranger la fievre que j’ai depuis 2 jours) devant un match de foot avec un prof d’anglais, Aziz et le ‘facho’ qui semble tres content quand je fais remarquer qu’entre le drapeau (vert) dont ils m’ont forcée a m’envelopper, la couverture (jaune) qu’ils ont tenu a rajouter et la chemise (rouge) de Sandrine, on a un tres joli drapeau.

 

Le lendemain, nous partons pour Siirt (1 million, ça me parait un peu bizarre vu la distance) en dolmus : a ce sujet, les dolmus vous accompagnent un peu partout et n’hésitent pas a faire des détours pour conduire les passagers a leur destination. Une femme monte, mais mon voisin refuse de lui laisser la place pres de moi. Le chauffeur lui rappelle que ça ne se fait pas de s’assoir a coté d’une inconnue, mais il s’obstine : je ne risque rien, la preuve, il est haci (il devra quand meme céder sous peine de se faire écharper par la vieille qui veut absolument cette place et pas une autre) !

 

Sur la route, je me rends compte du pourquoi du prix du dolmus : ces abrutis nous ont embarquées pour Hasankeyf ! On leur a bien dit 5 fois SIIRT et Hasankeyf YOK, mais des que quelque chose sort de leurs schémas habituels, ils ne comprennent plus rien : on est touristes, DONC on va a Hasankeyf ! Idem au resto : ils demandent toujours si on veut de la salade et on refuse toujours. Ils en apportent quand meme vu que TOUT LE MONDE mange l’habituelle salade au resto. Avoir un seul thé alors qu’on est 2 releve également de l’exploit, ça fait d’ailleurs longtemps qu’on a renoncé…

 

Donc a Hasankeyf, on reprend un dolmus pour faire le chemin inverse, puis direction Siirt (86 km – 2,5 millions – 1 h 20 – 108 000 habitants). On opte pour l’otel Erdef (50 millions) pres de la mairie et du HADEP. C’est un peu cher pour le coin, mais la chambre et la salle de bain sont spacieuses et il y a la clim : a son ouverture, ça devait etre un hotel de luxe, mais depuis 1974, il s’est un peu défraichi. Le réceptionniste nous demande d’un air mauvais ou on va quand on sort pour diner. Ce pays est fantastique : les mouchards collabos sont moches et hargneux (tout juste s’ils ne portent pas une étiquette), et les keufs sympas sont de beaux gosses made in Antalya. Celui-la étant de la 1ere espece, on le remet a sa place.

 

Repas poulet, salade, soda (eau gazeuse), thé : pas génial (4 millions pour 2), puis internet café. Ca rame et blogger refuse une nouvelle fois de coopérer : on préfere laisser tomber. Au fait, j’en profite pour rassurer mes correspondants : je lis bien tous mes mails, mais je ne peux pas passer une demie heure a répondre a chacun (en plus juste pour une ligne), mais promis, des que ça fonctionnera un peu mieux…

 

En rentrant, le comité d’accueil nous attend depuis 4 heures. Discours habituel et purement pour la forme qui commence par  »Bienvenue a… » et se termine par  »Pouvons nous faire quelque chose pour vous ». Entre temps, les éternelles questions, avec une variante : ou étions nous passées pendant tout ce temps (sont pas difficiles a semer) ? Ils demandent l’autorisation de faire des photocopies de nos papiers (diraient quoi si on refusait ???), ce qui leur prend un temps incroyable : vu l’heure, ils ont du réveiller un responsable de magasin de fotokopi… En revenant, ils passent 20 mn a comparer les originaux avec les photocopies, pour vérifier que les renseignements sont bien les memes sur les 2 documents ! Ils se font a 4 une réunion au sommet pendant qu’on est tranquillement installées et carrément pliées de rire. Le chef tient a me rassurer : il n’y a aucun probleme avec mon passeport (au cas ou j’aurais eu la moindre inquiétude et que les dizaines de controles se soient plantés).
Publié dans Malabadi, Photos, Siirt, Silvan, Turquie | Commentaires fermés sur Silvan – Malabadi

Silvan

Retour a l’öðretmenevi ou nous attend un des reponsables, un prof de chimie, qui appartient aussi a une des plus grandes familles d’aghas par sa mere et est fils de cheikh. Du coup tout le monde l’appelle « Cheikh » bien qu’il n’en soit pas un. Avec lui nous visitons le lendemain une grande demeure kurde, un peu ruinée tout de même, qui appartient a son cousin. Il nous dit que son cousin est facho. Il faut comprendre grand propriétaire en cheville avec l’état et les gardiens de village. Lui est plutôt « patriote », c’est fréquent dans les familles d’avoir plusieurs membres dans des bords tres différents, surtout dans les grandes familles. On ne met pas tous ses oeufs dans le même panier. A l’origine, Silvan et sa région appartenait a trois familles d’aghas. Je ne suis pas sûre que ça ait beaucoup changé. Pres de Malabadi, toute l’étendue des champs de coton appartient a une seule personne. Et s’ils ont brûlé les villagesdes montagnes, ils n’ont pas touché a la plaine.

 

Quant au pont de Malabadi, désolée Kendal mais j’avais bien raison : il est d’époque artoukide, au moins dans sa derniere reconstruction. Et bien moins beau que celui de Cizre (invisitable hélas puisque sur le check-point Turquie-Syrie-Irak). Pour la citadelle, c’est idem. Les jolies sculptures de lions et de chimeres que nous débusquons avec les gosses dans une partie de jeu de piste sur les toits terrasses de Silvan ressemblent traits pour traits aux sculptures de l’enceinte de Diyarbakir.

 

Le soir diner a l’extérieur dans un çaybahce (salon de thé) qui fait aussi terrain de football (20 millions de l’heure pour la location du terrain). On bavarde avec un prof d’anglais de Diyarbakir que l’on retrouvera le lendemain a la pastahanesi. Prend mon e-mail – étant donné qu’eux n’en ont pas je me demande pourquoi les adresses e-mail les intéressent – en contrepartie de son numéro de téléphone. Il parle de ses éleves, des gosses pauvres de Diyarbakir. Dit qu’ils n’ont pas beaucoup d’entrain pour apprendre. Et comment pourraient-ils ? Tous travaillent en-dehors de l’école, ils sont cireurs de chaussures, vendeurs de simit… Ils ne mangent pas bien et vont l’hiver avec des vêtements en loques et des chaussures trouées. Quant aux adultes, ils ne sont guere plus motivés par les langues étrangeres, en disant : « je ne parle déja pas bien le turc, alors pourquoi l’anglais ? » Il est vrai que l’assimilation n’est pas toujours une réussite. Deux ou trois fois, j’ai entendu dans les dolmus quelqu’un dire (et un homme, pas une femme) qu’il ne parle pas le turc, seulement le kurde.
Publié dans Photos, Silvan, Turquie | Commentaires fermés sur Silvan

Silvan, suite

Dans leur jardin, nous avons commandé une pastèque et des nescafés (des thés pour eux). Après on a bavardé à 6 (4 hommes et deux femmes) dans trois langues : turc, anglais et les souvenirs de français de Mettin. En face de moi un type en civil encore plus haut que Mustafa, barbe et cheveux châtains, yeux verts, bâti comme un bûcheron canadien mais avec le caractère d’un grizzly. Comme ils nous demandaient notre âge on leur a dignement lâché la vérité. Stupéfaction, consternation et machoires qui se déccrochent. Puis protestations énergiques . « ah non, on n’en fait que 27, c’est pas de jeu ! » Il faut comprendre : ce n’est pas que ça les gêne, pour eux on a l’âge qu’on a l’air d’avoir. Le problème est qu’ils veulent être les plus vieux et en arrivent même à se vieillir exprès. Mustafa à qui l’on donnait 25 ans a protesté en avoir 31, quand même…

 

Quand j’ai tourné la tête vers celui qui était devant moi j’ai eu droit à un sombre regard de reproche, mais alors de reproche ! tandis que ça grommelait « otuz besh » (35). Et il n’a cessé de me fixer de toute la soirée avec cette envie qui se lisait bien sur son visage de me fracasser le cendrier sur le crâne. Depuis 37 ans que je cherchais ma baffe, j’allais l’avoir. Est-ce que je ne pouvais pas attendre deux ans ? C’est exprès ou quoi ? Ensuite, naturellement on nous demande si on est mariées. Non. Et là pour m’amuser je fais un non énergique, qui voulait dire « grands dieux jamais ». Le grizzly inspire un grand coup, serre les poings, tord une fourchette, et me demande calmement (en tous cas c’était bien imité) pourquoi non au mariage. On cherche, on cherche… Roxane dit « serbesti » ils ne comprennent pas, ça me revient soudain, je dis « özgürlük » (liberté). Là ils comprennent. Presque tous. La montagne humaine en face de moi resserre les poings et me dit doucement : « Et les enfants ? Çocuk ? » Sous-entendu : « pour en avoir tu seras bien obligée de te marier !. » Je refais non. Pas de çocuk. Suffoqué, ne trouve plus de mots pour son indignation, il berce dans ses bras un enfant imaginaire. Ben voyons. Enceinte d’un morceau pareil, je demande une césarienne au bout de trois mois de grossesse. Mais non, özgürlük. Du coup, il rugit, pour de vrai, en resserrant une fourchette. Il rugit. Et grommelle « özgürlük, özgürlük ». Jamais rien vu de plus craquant.

De temps à autre me rejette un oeil écoeuré avant de se souvenir qu’il faut peut-être m’amadouer un peu (on réglera les comptes plus tard) et il essaie de me sourire, louablement. Je vois bien qu’il essayait d’avoir l’air gentil. Sauf que ça tournait au rictus et que ses mains faisaient toujours le geste de vouloir atteindre mon cou. Bref, l’homo néanderthalus qui ne rêve que de s’emparer de cette salope de pomponette pour l’attirer à grands coups de pieds dans sa caverne. Je dois dire que je trouve ça infiniment séduisant, ça repose des tourmentés chroniques existentiels. Là pas d’hésitation ni de question à se poser : si on tient à ses dents, bien sûr…

Naturellement, ce type doit être un amour dans la vie. Mais après avoir traînailler 37 ans on ne sait où, venir lui dire « özgürlük » comme ça, c’est trop fort .

Publié dans Photos, Silvan, Turquie | Commentaires fermés sur Silvan, suite

Hasankeyf – Silvan

Nous allons faire un tour dans la paillotte d’a coté qui a recueilli 2 jeunes faucons : regard consterné de notre hote qui vient nous récupérer et nous empeche meme apres d’aller trop pres de l’eau, probablement au cas ou on en profiterait pour se sauver a la nage…
Apres un déjeuner avec du poisson (le Tigre en regorge), on se fait un tour photos pres des 2 turbeh sous un soleil de plomb. Les gosses nous réclament des stylos et nous font remarquer qu’il y a 2 touristes en short ultra mini : on les envoie leur dire ‘shocking’, ce qui semble porter, puisque quand on les recroise une heure apres, ils sont habillés un peu plus décemment.

Bus pour Batman (35 km – 1 million par personne – 213.000 habitants) et dolmus pour Silvan (55 km – 2 millions par personne – 73 600 habitants, avec controle des papiers 22 km avant l’arrivée). Sur place, il n’y a ni hotel, ni taxi, mais des passageres, puis le chauffeur nous supplient de venir chez eux. C’est mignon, mais pas tres indiqué étant donné qu’il faut demander l’autorisation a la polis qui s’empresse de nous proposer la maison des enseignants. Une tres belle bete d’Antalya (décidemment, ils doivent faire un élevage la-bas pour fournir l’armée et la police) nous accompagne en voiture (c’est loin, au moins 100 m) et nous invite a venir les voir une fois qu’on sera installées.

Mustafa (la belle bete) nous conduit vers une table dans le jardin (toujours bien installée la police) ou 3 de ses collegues nous rejoignent (dont une autre belle bete, mais dans un style différent). Café, pasteque… Mustafa veut une adresse internet et me note son nom et l’adresse de la caserne pour qu’on lui envoie une photo. Ca tombe bien, il en a une de lui qu’il me tend en vérifiant que je la range bien dans mon portefeuille : ça, pas de danger, ça peut toujours servir pour un prochain controle… Comme la turkish polis n’est absolument pas directive, il m’apprend d’un ton ferme que je dois me laisser pousser les cheveux… pas possible, je tiens a les avoir plus courts que les turkish policiers.

(Pour être juste, la photo ne donne qu’une idée approximative : en live, il se rapprocherait plus du demi dieu grec… le comble pour un keuf turc !)

Quand ils se mettent a etre mignons, ils ne font pas dans le détail : je n’ai pas le droit de toucher a mon paquet de cigarettes (je dois prendre les siennes), ni a mon briquet (idem, il est la pour me les allumer), et il envoie meme un petit jeune au ravitaillement : un paquet de longues pour lui, de normales pour moi : observatrice en plus la turkish police ! Apres les questions habituelles : job, age (ils sont tellement sidérés qu’on n’arrivera plus a reprendre notre sérieux de la soirée), on apprend qu’ici on est au Kurdistan (décidément, le discours officiel a du mal a passer). Grizzli (la 2e belle bete) qui grogne sur Sandrine depuis le début, mais me fait des sourires charmants, me signale qu’il faut qu’on apprenne le turc et que Mustafa, on peut l’emmener dans nos bagages (vu la taille, va falloir faire plusieurs voyages). Ils veulent savoir ou on en est avec Le Pen : visiblement toute la police turque s’est inquiétée pour nous… Avant de partir, ils nous demandent de revenir une fois qu’on aura vu Bitlis : doit y avoir un virus contagieux qui sévit chez les keufs et les militaires en poste dans le Sud-est !

Publié dans Hasankeyf, Photos, Silvan, Turquie | Commentaires fermés sur Hasankeyf – Silvan

Cizre – Hasankeyf

On vous avait laissés il y a 5 jours a l’internet café de Cizre, donc je reprends a la sortie. Evidemment, aucun taxi en vue : on demande donc a un commerçant qui nous a abordées, ou en trouver un. Visiblement, a cette heure ci c’est mission impossible. Il se renseigne quand meme aupres de 2 athletes qui viennent de quitter leur voiture… qui se proposent pour nous raccompagner. Difficile de refuser : c’est la turkish police ! Vu le gabari, la voiture banalisée et le niveau d’instruction (ils parlent anglais), ce ne sont pas de simples flics. Ils tiennent a nous faire remarquer qu’ils se conduisent en « gentleman » (font de gros efforts pour tout bien faire), ce qui ne les empeche pourtant pas d’ironiser sur la brillante performance de l’équipe de France de foot.

 

Le lendemain matin, le taxi nous fait faire le tour des otogar pour dolmus avant de trouver le bon… a 50 m de l’hotel. Direction Sirnak (2 millions par personne – 44 km). Mon voisin est mort de tract : c’est olé olé de s’assoir a coté d’une inconnue, mais il n’y a pas d’autre place libre. Bien sur, on retombe sur le controle militaire de la veille : ils sont ravis (tout juste s’ils ne nous sautent pas au cou) et s’empressent de décharger nos bagages ! La route de Sirnak est yasak et il n’est absolument pas question de nous renvoyer comme ça : apres un café, et une engueulade en regle au petit jeune qui m’a apporté un cendrier pas assez bien au gout des chefs, ils font mumuse avec mon keffieh (mais sont moins entrainés que nous a les nouer a la kurde) et me font essayer toutes les marques de cigarettes qu’ils ont en stock.

 

Ensuite, réunion en haut lieu pour nous trouver un itinéraire pas yasak, puis le chef se met a dessiner un coeur sur paint shop (on l’aide a mettre la couleur), et écrit laborieusement « I love you ». Tres fier de son chef d’oeuvre, mais pas sur que le message soit bien passé, il mime un coup de foudre suivi d’une scene ou il meurt brusquement d’amour… sous le regard ahuri des appelés qui n’ont jamais vu leurs supérieurs se conduire comme des gamins.

 

On a un peu de mal à leur faire admettre qu’on voudrait bien continuer notre voyage : ils nous invitent le soir pour manger du poisson et boire du vin, du raki, de la vodka… Ben voyons ! Avant de nous laisser partir, ils insistent pour qu’on revienne les voir une fois qu’on aura été a Hasankeyf ou nous avons finalement décidé de passer. Toutes les 5 mn, il y en a un qui tient a nous taper dans la main (ça se fait entre grands arkadas) et toute l’équipe veut venir en vacances en France. En attendant le taxi qu’ils ont quand meme fini par appeler (au bout d’une heure et demie), le chef tient a me signaler que mes yeux sont çok çok güzel : j’évite de lui laisser ma carte de visite pour qu’il continue a ignorer qu’il est en train de draguer l’OFK…

 

Dans un premier temps, direction Idil, puis Midyat, avant de prendre un dolmus pour Hasankeyf (Midyat-Hasankeyf : 2 millions – 40 mn – 5 500 habitants). L’unique motel étant fermé, on demande une chambre a la maison des enseignants (10 millions), malgré les insistances de 5 profs kurdes qui veulent qu’on vienne avec eux a Batman. De toute façon, ils ne sont pas surs que la police nous donnera l’autorisation de rester ici… Ben elle la donne l’autorisation la police ! Elle en profite meme pour virer les 2 profs qui nous ont accompagnées (faut pas qu’ils soient en retard pour rentrer a Batman) et est visiblement enchantée de s’occuper de nous : thé, cigarettes, avant d’aller nous chercher a manger. Ils tiennent a ce qu’on leur donne le nom français de tous les objets qui nous entourent, font les clowns et insistent pour qu’on mange des glaces une bonne partie de la nuit. On en accepte une, mais on doit batailler énergiquement pour ne pas qu’ils dévalisent tous les congélateurs de la ville. Ils promettent qu’on peut dormir tranquilles puisqu’ils vont veiller toute la nuit avec leur char (on en profite pour avoir une visite guidée) et qu’ici il n’y a pas de terreur. Ils tiennent a nous signaler qu’a Hasankeyf, il y a des Kurdes et des Arabes, mais pas de Turcs a part eux bien sur (tiens, tiens, c’est pas le discours officiel ça…).

 

Appel du Dersim : on nous réclame a Ovacik… Se foutent de l’état d’urgence : on est passées 2 fois, on passera bien une troisieme…

 

Je me réveille a 5 h 30 sans espoir de me rendormir vu la chaleur qu’il fait dans la chambre. Il n’y a pas d’eau dans la salle de bain et comme Sandrine n’ouvrira pas les yeux avant plusieurs heures (je me demande toujours comment elle fait pour dormir autant quoi qu’il arrive), je vais faire un tour avec mes appareils. Hasankeyf est toujours aussi magnifique et malgré les 600 ou 700 vues que j’ai déja de la ville, et la baisse alarmante de mon stock de pellicules, je ne résiste pas au Tigre et au vieux pont. Les Kurdes non plus ne résistent pas longtemps : un jeune vient me chercher au bout de 10 mn soit disant pour un thé. En fait, je reçois immédiatement l’ordre de partager un premier petit déjeuner, pendant que le jeune est fermement éjecté par ses ainés.

 

L’un m’explique fierement qu’il parle kurde, turc et arabe, alors que je ne parle que 2 langues… avant de déplorer que ça ne lui sert pas a grand chose étant donné que nous n’en avons aucune en commun. J’en prends quelques uns en photo, mais il faut recommencer : je n’avais pas prévenu et ils n’ont pas eu le temps de se faire tout beaux… donc, on peigne les cheveux et les moustaches avant de reprendre la pose. Plus ça va, plus ils se regroupent, l’air de rien, juste pour dire bonjour en passant… avant de s’installer. Le bureau des réclamations rale que ce n’est pas juste que je refuse un 3e petit déjeuner (j’en ai pris avec d’autres, y a pas de raison) et approuve chaudement mon choix d’etre restée célibataire (s’ils avaient su…).

 

Vu l’attroupement, j’appelle Sandrine en renfort a 8 h et demies. On se fait kidnapper par un responsable de resto (une paillotte au bord du Tigre) qui s’est emparé de mon sac photos et marche d’un air fier devant ses copains qui ne sont absolument pas invités a nous suivre.
Appel du Dersim : cette fois, on nous réclame a Tunceli…
Publié dans Cizre, Hasankeyf, Photos, Turquie | Commentaires fermés sur Cizre – Hasankeyf