Silvan

Une fois arrivées à Silvan nous apprenons que l’unique hôtel a fermé. Le chauffeur du car était désespéré qu’on ne veuille pas aller chez lui. Mais vraiment désespéré, presque au bord des larmes : « Diya min heye, zaroken min hene, me tirsin, em miletê bash in. » Comment lui faire comprendre que ce n’était pas par méfiance, mais simplement parce qu’une fois chez eux, pris dans leurs familles, leurs visites, leurs repas, on ne peut tout simplement plus travailler ? De toutes façons, Silvan étant encore sous état d’urgence, il fallait déclarer notre passage à la police. On y va donc, en nous disant que s’il y a un hôtel, ils sauront bien nous l’indiquer.

 

De ce fait, quand les deux keufs de service nous ont vues, ils ont fait comme à Hasankeyf, ils ont viré les Kurdes en nous disant d’aller à l’ögretmenevi. Parfait. Du coup, nous voilà de nouveau prises en charge par ces messieurs, très étonnés de nous voir tomber du ciel mais contents qu’on se mette sous leur protection à eux. Pour une fois qu’ils ne passent pas pour d’abominables tortionnaires corrompus… En déchargeant les bagages, le chauffeur était si mal qu’il est resté au volant et a démarré sans nous dire au revoir. Encore un coeur brisé. C’était désolant mais on ne pouvait pas lui expliquer la vraie raison.

 

Enfin, nous nous installons sur la terrasse du grand bâtiment de la police. Toujours agréables, leurs locaux, spacieux, avec jardin… ils ne s’embêtent pas. On boit le thé pendant qu’ils téléphonent à l’ögretmenevi pour annoncer notre arrivée. Quand tout est OK arrive un troisième pour nous y emmener. Les Turcs sont une belle race (élevés au grain), il y a des beaux mecs, mais celui-ci était vraiment un des top. Grand, costaud, très brun, avec de beaux traits un peu asiatiques et des yeux en amande : Mustafa d’Antalya. Roxane prétend qu’Antalya est un vivier de belles bêtes, et il est vrai que de tout ce qu’on a vu, c’est le dessus du panier. Charmant comme tout, en plus. Il nous amène à l’ögretmenevi dans une grande Opel toute neuve qui change des taxis poussifs que l’on prend depuis des jours. Il arrange tout là-bas et avant de repartir nous invite à les rejoindre le soir dans leurs locaux pour prendre un verre. Ce que nous faisons.
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Hasankeyf

Hasankeyf

Hasankeyf

Passé la nuit ici. Cette ville est toujours aussi belle. Décidément j’ai une préférence pour les villes au bord du Tigre. C’est qu’il y a à partir de Diyarbakir jusqu’à Cizre une lumiere particulière, une vibration de la couleur qui enchanterait les peintres. Et le Tigre à Hasankeyf a vraiment une couleur particulière, ou plutôt toute une palette : bleu roi, vert Nil, turquoise, vert amande, terre de Sienne, émeraude, et tout ça dans le même fleuve, sous les mêmes piles de pont… Ça, c’est pour la peinture. Pour ce qui est de la sculpture, elle est au-dessus. Les falaises de craie sont creusées, arrondies, ajourées, par l’eau et les villageois troglodytes. Ce que j’aime c’est que les monuments et les pierres naturelles s’harmonisent absolument au lieu de se faire concurrence.

 

La beauté du tombeau de Zeynal Beg est égale à celle des montagnes rondes et roses derrière et la tour de la citadelle aux deux lions affrontés a la même élégance émouvante, dans son jaillissement, qu’un rocher détaché et laissé sur la rive, que l’eau a rongé. Il est neuf heures du matin et je petit-deéeune les pieds dans la flotte, dans une de ces paillottes qui depuis un mois et demi couvrent la rive droite du Tigre.

 

Un vrai déjeuner de Kurde : pain, dew, concombres, tomates et thé (oh, mon café noir…).

 

Consolation : le fleuve grouille de poissons et tous les restaurants et épiceries proposent du poisson frais. Hier, comme l’unique motel d’Hasankeyf a fermé nous avons été dans une ögretmenevi, une Maison des Professeurs, une espèce de gîte rural réservé aux enseignants. Modique mais propre et avec l’essentiel. Déjà à Ovacik le kaymakam nous l’avait proposé. Et comme à Ovacik les professeurs en vacances passent leur temps à jouer à un jeu qu’ils appellent OK (je l’écris comme je l’entends) qui semble être un mélange de loto et de domino. Ça a l’air passionnant. Les policiers y jouent aussi. Débarquées dans l’ögretmenevi j’alpague le premier venu (en me fiant à son air plus éveillé) et lui explique le probleme. Dans un anglais triplement boiteux il me dit qu’il n’y a pas de probleme, qu’il faut demander l’autorisation à la police, qu’ils accepteront sûrement et qu’en attendant on va monter nos sacs.

 

Tres agréable jardin à l’intérieur, avec vue sur le vieux pont. Le temps de s’installer, de boire un thé, de s’apercevoir que je parle kurde. Comme d’habitude, sciés et contents. Tout le groupe était des professeurs de Batman, venus passer ici l’apres-midi. L’un d’eux était tellement impressionné qu’il a commencé de m’expliquer qu’il n’avait pas son stylo sur lui mais que sinon il m’en aurait fait cadeau. J’avoue que j’ai trouvé ça si incroyable que je lui ai fait répéter : hadi’a. Son stylo de professeur ! C’est la premiere fois qu’un professeur de mathématiques est aussi content de moi, je dois dire. Bref, entretemps, ils n’avaient plus du tout envie de nous laisser à Hasankeyf et insistaient plutôt pour que l’on vienne chez eux, à Batman. Des fois que la police nous refuserait l’autorisation, hein…

 

Mais dès qu’ils nous ont vus, les policiers, ils n’ont pensé qu’à une chose, virer les profs et nous récupérer pour eux tous seuls. J’ai bien vu qu’ils étaient consternés et ne s’y attendaient pas du tout. Les pauvres… Du coup on a passé la soirée avec les deux policiers qui étaient en faction de nuit sur la route et le pont moderne, assis devant leur tank. Car les policiers ici ont un tank. Ils contrôlent principalement les camions de pétrole qui viennent du Kurdistan d’Irak et roulent la nuit. Ils nous ont commandé un repas, le restaurant a dressé une table dehors et l’un d’eux, prénommé Ahmet, a fait le service, très stylé. Ensuite on a été les rejoindre autour de leur petite table à thé et on a mangé des eskimos tous les quatre, en regardant passer les camions et en répondant à leurs questions sur le foot, Le Pen (ça les a beaucoup inquiété cette histoire, visiblement). L’autre (je ne me souviens plus de son nom) nous a sérieusement expliqué qu’à Hasankeyf il n’y avait pas de Turcs, seulement des Arabes et des Kurdes.

 

Tous trilingues pour la plupart, même les enfants, de sorte qu’il est parfois impossible de les différencier. En fin de matinée le moxtar est venu faire la causette (je ne sais plus ce qu’est un moxtar mais c’est une fonction administrative). Il voulait avoir des nouvelles de sa ville, savoir ce que l’on pensait du projet de barrage. Nous l’avons rassuré en lui apprenant le désistement des investisseurs. Il était content. Ils n’ont pas l’air très informés sur place.

 

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Tigre eau et pelage
animal et fleuve
rayures d’azur
Souple échine qui s’étire sur le tapis vert du Botan

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Cizre

Hier, en sortant du cybercafé nous avons été obligemment raccompagnées par deux policiers puisqu’il n’y avait pas de taxi. Très galants, prévenants, descendent pour ouvrir les portières…etc. Décidément à chaque fois que l’on a un problème on fait appel à eux, d’autant plus qu’ils ne sont pas désagréables à regarder, quels morceaux ! Ceux qui nous ont reconduit à l’hôtel faisaient au moins un mètre 90 avec une de ces carrures… on voit qu’ils s’entretiennent en plus, et pas avec de la gonflette.

 

A Cizre, j’ai l’impression qu’il y a plus que des keufs de base. Ils donneraient plutôt dans les services que ça ne m’étonnerait pas. Ils sont faciles à détecter : ils ont les muscles et la stature des jandarma avec l’intelligence en plus et les langues. Beaucoup parlent anglais assez bien ce qui est rare chez les autres. Une vivacité d’esprit aussi qu’on remarque tout de suite car elle détonne ici. Quelque chose d’acéré, de félin quand ils vous examinent. Pas du tout hostiles d’ailleurs, même quand ils ne croient guère à notre couverture touristes. Ils doivent nous prendre pour des collègues et entre collègues on se fiche la paix quand on n’a pas d’ordre contraire.
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Cizre

Visite à Mem et Zin ce matin. Et une surprise : ils ont enlevé la stèle sur la tombe de Beko. Maintenant il n’y a plus que le cénotaphe, nu, un bloc de ciment gris, devant la tombe des amoureux. Ainsi le nom de Beko ne se dresse plus devant Mem et Zin, les menaçant pour l’éternité. Voudrait-on ici un monde où la rose serait sans épines, le trésor sans serpent, les amoureux sans envieux ? J’ai posé ma main sur la tête de Mem. La pierre était fraiche sous la peinture verte dont on les a badigonnés et qui s’écaille. Par contre ils ont enlevé aussi l’espèce de coffre au pied de la tombe et c’est mieux, plus dégagé. Si dans les mosquées et autres lieux d’islam je me sens comme en visite, masa’i, fileh, acnabi, bêgani, tout ce qu’ils veulent, ici je me sens chez moi, de plein droit. Les Kurdes autour ne s’y trompaient pas qui se sont tus à notre arrivée et se sont poussés respectueusement pour nous laisser la place. Ils devaient sentir qu’il se passait quelque chose.

 

 

Nous nous sommes rendues ensuite chez Cheikh Ahmed Ciziri, comme ils l’appellent. Plusieurs tombes autour. La sienne est recouvert d’un déplaisant tissu vert et or, représentant des sourates et la Kaaba. Je préfere le dépouillement des trois autres. Il est vrai qu’à lui je m’avais pas grand-chose a dire. Sauf de venir me souffler, quelquefois, l’énigme alambiquée de ses distiques…

 

J’ai aussi appris qu’al-Jazari l’ingénieur était aussi enterré dans sa ville natale, dans la mosquée de Noé…
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Cizre – Yasak !

Cizre est une véritable fournaise et beaucoup de gens dorment sur les toits pour profiter du peu de fraicheur que peut offrir la nuit. On se refait la tombe de Mem et Zin. Surprise : la stele de Beko a disparu ! Serait-ce un heureux présage ?

 

Visite a Melaye Ciziri, puis on demande a notre chauffeur de nous conduire au vieux pont ou sont sculptés les signes du zodiaque : Yasak, zone militaire ! En fait, il se trouve dans la zone de sécurité entre les frontieres, comme le batiment kurde qui nous a conduit au poste la derniere fois (m’en fous, j’ai 2 photos). Donc, le pont, c’est uniquement au télé apres s’etre assurée qu’il n’y a pas d’uniforme dans le coin. Le chauffeur nous propose en compensation d’aller visiter un chateau a quelques kilometres.

 

Evidemment, il y a un controle et les militaires nous demandent de descendre de voiture et de les suivre. Le chef vient nous serrer la main, content de nous voir bien qu’il se demande pourquoi on n’est pas en train de bronzer a Antalya. Il entreprend laborieusement de saisir les renseignements habituels, avant de nous laisser faire et admire notre rapidité au clavier, ce qui accrédite notre job fantome d’informaticiennes… avant de nous annoncer que le chateau est yasak. Pour ne pas nous laisser un mauvais souvenir, il nous propose quand meme d’aller faire quelques photos, a condition d’etre accompagnées d’un militaire. Devant son air menaçant, au cas ou on demanderait quelqu’un d’autre, on approuve son choix : lui ! Je fais 2 photos d’un rocher qu’il trouve tres joli et demi tour (bien sur, dans la voiture, il demande si on est mariées…). Cout du parcours : 30 millions.

 

Balade dans Cizre (on retourne a l’ulu camii), déjeuner dans un petit resto qui a autre chose que des kebap (pour 5 millions). Ils sont tous ébahis de nous voir passer : j’espere que depuis, certains ont réussi a fermer la bouche que l’étonnement leur a fait brusquement ouvrir. Personne ne suppose jamais que nous puissions etre françaises, mais visiblement ils sont approbateurs, ce qui est compréhensible pour les Kurdes, mais un peu moins pour les militaires.

 

A l’internet café, nous devons etre les surfeuses du siecle : le responsable vire des clients pour nous laisser la place et passe son temps a nous apporter des verres, du thé, des cigarettes, des cendriers, des mouchoirs… Ca compense la « vitesse » remarquable de ses connexions : plus de 3 heures 30 qu’on rame !
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Grand Hôtel Cizre

Bonne surprise : le Grand Hotel est un 3 étoiles récent de haut standing pour 40 millions la chambre avec petit dej : clim., double vitrage (pas possible de prendre des photos, ils ont mis une moustiquaire), salle de bain équipée (il y a meme un seche cheveux) et mini bar (qui accueille immédiatement mes pellicules).

 

La polis de la sécurité demande a nous voir, mais s’excuse rapidement apres avoir gobé notre plan touriste (nous prennent pour de gentilles farfelues).

 

Au resto, malgré ce que prétend la carte, le serveur (dont la tete ne me revient pas) nous annonce qu’il n’y a pas d’alcool. Je vais faire un tour du coté du bar et le rappelle pour lui montrer le vin. Comme il prétend que c’est autorisé uniquement dans les chambres, Sandrine demande pourquoi a la réceptioniste qui passe et qui parle anglais. Elle ne voit pas pourquoi, va s’informer, et revient en nous tendant un portable. Comme ça cause anglais, Sandrine prend : le monsieur bafouille qu’il nous envoie du vin immédiatement. En fait, l’autre petit con misogyne avait décidé que vu que nous étions des filles et circonstance aggravante, jeunes, la morale l’autorisait a nous remettre dans le droit chemin. Dans ces conditions, on s’est fait un plaisir de terminer le Doluca (meme s’il se rapprochait plus d’une infusion de bouchon que d’un grand cru). A part ça, excellente croquettes de fromage, entrecote (enfin des lamelles de viande aux herbes qu’ils appellent comme ça) et creme chocolat.
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