Petit dej

Ce matin, dernier petit dej a Urfa. Pour les routards qui ne sont jamais venus en Turquie, le petit dej classique c’est : tomates, concombres, olives noires, fromage, confiture ou miel, beurre et pain généralement bon, le tout accompagné de l’inévitable thé. Ensuite, taxi pour l’otogar, direction Malatya. Le chauffeur kurde avisant nos keffieh, nous demande si nous allons en Irak. Hier déja dans la rue, un jeune m’a lancé en kurmandji « Vive le Kurdistan »… visiblement, la façon de les nouer doit leur rappeler quelque chose !
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HADEP

Parlé avec le petit serveur. Il dit que la pression existe encore, surtout dans les villages où les militaires briment encore les villageois. Ce qui est logique : les villes sont sous contrôle civil et policier, alors que les campagnes sont sous zone militaire, ce qui fait que la levée de l’état d’urgence y est relative. Il me dit aussi que beaucoup de villages ont été brûlés autour d’Urfa et qu’il y a eu beaucoup de tués. Il sait aussi qu’entre Cizre et Mardin c’est pire, qu’il n’y a plus rien. Tout le Kurdistan sait qu’entre Cizre et Mardin il n’y a plus rien.

 

Il a 18 ans et son salaire est de 3 millions de lires par jour (environ 15 francs). En voyant la montre swatch de Roxane, décorée de papillons, il dit tout de suite « Hadep, Hadep ». Il nous fait comprendre que c’est important, un symbole. Que les cadres bien planqués du parti aillent leur expliquer à ces jeunes qu’à présent le Hadep doit « se vider de sa substance » au profit d’un parti qui ne représente que 0% et des poussierès et qui est dirigé par un de ceux qui ont brûlé leur village et tué leur parents, sous prétexte que « chacun, à sa place, aurait agi de même… »

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Renoncer au temps…

En voyage comme dans toutes les affaires menées avec ce sacré peuple, le secret est de savoir perdre son temps. De renoncer au temps. être plus patient et immobile que les blocages eux-mêmes. S’assoir à l’ombre et laisser filer tranquillement les heures, comme s’il n’y avait que ça à faire et pour toujours. Alors soudain, le temps s’étrécit, les obstacles se lèvent, le monde se débloque avec une facilité surnaturelle. En gros, c’est comme être dans une file d’attente, devant un guichet hostile, ou dans une salle de consultation dont la porte reste obstinément fermée : il suffit de prendre un livre et de le lire, vraiment, pour qu’aussitôt la file d’attente se raccourcisse, que l’on s’enquiert de votre demande, que la porte s’ouvre en grand. C’est que l’on était prêt à perdre infiniment plus de temps qu’eux n’en disposaient. C’est pareil pour les Kurdes. Il faut toujours faire comme si l’on avait l’éternité pour soi. Et d’ailleurs, nous l’avons.

 

En ce moment nous sommes gentiment abordées par une famille d’Arabes, un couple et trois fillettes adorables. Les fillettes arabes sont souvent très belles, fines, avec des yeux incroyables. Les femmes aussi sont plus avenantes, sympathiques. Naturellement, ils veulent un portrait de famille.

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Otogar – Urfa

Attente jusqu’à 14 h d’un bus direct pour Malatya. Plutôt que de prendre un dolmush, qui partira quand il voudra, fera plein d’arrêts inutiles sur une route de montagne surchauffée, et arrivera finalement aussi tard que le « big bus », nous préférons attendre dans un çay bahçeli de l’otogar, à l’ombre. J’ai de quoi écrire, mes bouquins, que demande le peuple ?
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Urfa – Harran

Finalement hier soir, il n’y avait (comme d’hab) que des kebap, au choix : Adana, Urfa, Aubergine, Iskender, sis… Mon Urfa ressemblant etrangement à son cousin d’Adana, ça merite des explications. Apres enquete, l’Adana est pimente, pas l’Urfa ; l’Aubergine c’est de l’Urfa avec des aubergines intercalees et l’Iskender c’est de l’Urfa servi avec du yaourt et de la tomate… Bonjour la variete !

En echange par contre, une equipe de jeunes serveurs tres empresses et le premier Turc qui s’amuse a nous taquiner sur la brillante performance de l’equipe de France de foot… on l’attendait celle-la !

Moyenne d’un repas de savoureux et inventifs kebap pour 2 : 10.000.000 TL, et pour info pour les fumeurs, le paquet d’americaines est a 2.000.000 TL.

Sanli Urfa

Sanli Urfa

Ce matin, taxi pour aller a l’office de tourisme. Comme le chauffeur n’a pas la moindre idee sur sa localisation, il s’arrete a tous les postes de police pour demander la direction : les keufs sont enchantes de nous souhaiter la bienvenue, meme celui que nous reveillons.

Finalement, la police touristique dont le bureau est pres des carpes d’hier dispose de documentation et d’un agent qui parle le français et qui n’envisage pas un instant qu’on parte sans avoir pris un cafe et fait la causette. D’ailleurs son commandant arrive (lui parle anglais) et apres les presentations d’usage, nous felicite chaudement… pour la brillante performance de l’equipe de France de foot : on n’a pas fini de l’entendre !

Je lui apprends que la France qui est partageuse a fait expres de perdre rien que pour que la Turquie puisse gagner : visiblement, il ne s’y attendait pas et nous remercie sincerement (c’est pas vrai, il y croit vraiment en plus !).

Du coup, il voudrait savoir si la demoiselle est mariee ? Non la demoiselle n’est pas mariee. Et elle est celibataire ? Oui, en plus de ne pas etre mariee la demoiselle est celibataire… (Dur de garder son serieux !) Et vous restez plusieurs jours ? Et non, on part demain…

Scenario turc classique (apres enquete de terrain approfondie) : la premiere fois qu’on rencontre un Turc, il se renseigne ; la seconde, il met en avant son patrimoine, sa situation professionnelle (surtout les grades dans la police ou l’armee) et demande si on ne voudrait pas l’epouser. Il y a meme un commandant a Ovacik qui a essaye de me soudoyer en me faisant valoir que mariee a un militaire, je pourrais prendre toutes les photos que je voudrais.

Bref, apres une photo souvenir du groupe, nous prenons un dolmus a l’otogar pour Harran (40 km, 1.500.000 TL par personne, 6.900 habitants).

Harran : soleil ecrasant et tres peu d’angles de prises de vue sans cables electriques… les photos des depliants touristiques doivent pas mal dater. Heureusement qu’on a les keffieh (pas tres esthetiques, mais absolument indispensables) : les appareils sont brulants et il y en a meme un qui degage une odeur de plastique brule passablement inquietante pour la suite des operations.

Je passe le retour, vu que le temps de frappe est tres long, on se partage le travail et Sandrine doit etre en train de plancher dessus.

A part ça, nous n’avons pas vu Feridun – dommage, il devait me donner la recette du vin aux piments (faut vraiment etre Kurde pour avoir une idee pareille) – mais ça on l’aurait parie qu’il aurait un « empechement »… et les Turcs viennent de battre le Senegal et tiennent a nous le faire savoir. On vous laisse pour aller les féliciter : ça peut toujours servir pour la suite.

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Harran

Route surchauffée pour Harran, dans un dolmush. Tout le monde dit que c’est la pire des heures. C’est vrai, mais on s’habitue. Pas trop touristique finalement. Les petits Arabes profitant des vacances font les guides. La Syrie est a 18 km de là. Harran, c’est vraiment la plaine. Briques séchées au soleil, torchis, tout est couleur de terre.

 

La citadelle est élégante, par contre, comme toutes les constructions omeyyado-ayyoubides. Il y a la porte d’Alep, la porte de Raqqa. Ça devait être une forteresse sur les postes frontières byzantins. J’aime d’ailleurs tous ces petits postes frontières, même les citadelles les plus simples. Elles sont toujours gracieuses et donnent une impression de sérénité, plus que celle d’un bâtiment de guerre.

 

Dans la « Culture House » de Harran, soudain, un groupe de touristes turcs, qui font irrésistiblement penser aux Japonais. Ils envahissent à 30 la maison, essaient tous les foulards, les robes, se font photographier en tenue. Puis le chauffeur du car donne le signal du départ et tout le monde se précipite, affolé, rendant pêle-mêle vêtements aux guides. Ils ressortent, repartent, et le tout n’aura pas duré plus de 20 minutes.

 

Finalement, je craignais que Harran ne fasse zoo humain, mais non. Il y a quelques endroits dans le village à visiter, montrés par les gamins. Celui qui tient les comptes est un vieil Arabe un peu roublard, tout ça est bon enfant. Les habitants ne se montrent guère, il est vrai que nous sommes à l’heure de la sieste.

 

Urfa. Retour à Urfa plutôt craignos. Tout ça parce que les Kurdes ne sont pas foutus d’arriver à l’heure. Nous avions dit au dolmush de revenir à 16h. Naturellement, à 16h30, personne. On ne se voyait pas poireauter dans ce trou de Harran en pleine chaleur. Je savais qu’il y avait un passage régulier de dolmush dans le village. J’avise un type assis sur le pas de sa porte et lui demande. Il fait signe de nous assoir, que le bus va arriver. Puis une voiture passe, avec deux potes à lui. Il les hèle, nous dit qu’ils vont a Urfa. On monte et c’est quand le premier monte aussi a l’arriere avec nous que je me dis : »Merde. Trois contre deux, ça craint. » Surtout qu’il a alors répété plusieurs fois que ça ne nous coûterait rien, donc, c’est que ce n’était pas totalement désintéressé.

 

Il a fallu manoeuvrer sur la route. Roxane a eu la bonne idée de dire qu’une amie fille nous rejoignait dans trois jours et qu’on partirait pour le Nemrut Dagh. Ils ont fait vite l’addition : 3+3, il valait mieux attendre, qu’ils fassent leur choix. On a pris de bon coeur leur numéro de téléphone, en disant que les nôtres ne marchaient pas en Turquie. Et là, je me disais : « A., ne téléphone pas, ne téléphone pas… » Le numéro de l’hôtel qu’on leur a donné avec enthousiasme a paru les chiffonner un peu. Evidemment, les hôteliers sont tres stricts là-dessus. Du coup, ils nous ont lâchées dans la ville et on doit se revoir demain à 18 h, promis (d’ici là on aura filé).

 

Mais bon sang, je sais bien qu’ils pensent que les Européennes sont faciles à sauter, mais quand même ! Leur dire qu’on a 37 ans, des maris, ne marchent absolument pas. Pour eux, un mari qui n’est pas là ne compte pas. Qui va a la chasse perd sa place, quoi. Mais nous avions de drôles d’allures avec nos keffiehs noués n’importe comment, couvertes de poussière, rouges, en sueur. Que faudrait-il faire pour s’enlaidir davantage, être bien répugnantes ? Des cicatrices tribales, nous déguiser en négresses à plateau ? C’est quand même incroyable. Là-bas les meufs m’arrêtent pas de courir apres les mecs pour se faire épouser et les mecs ne rêvent que d’une chose : cavaler ailleurs. Finalement, il n’y a que dans les casernes de Tunceli et les postes de police de Diyarbakir qu’on est en sécurité. Et tout ça parce que les Kurdes ne sont jamais là quand il faut et où il faut. C’est vrai qu’A. avait dit un jour : « Jamais seules, jamais en rase campagne. » Mais il pensait au Kurdistan et aux soldats turcs, non aux dragueurs arabes.
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